Qui ne connaît pas Michel Pin ? Un être extraordinaire, bon copain, rempli de talent créatif et fin pilote des années 80 en VEC. Excellent dessinateur, il est à l’origine des dessins des DB qui figurent sur un poster vendu par l’Amicale : magnifique.

Si je vous dis « Cyclope-DB », alors là peut-être vous souvenez-vous de cet engin pétaradant, labélisé DB par un sigle sur le capot et orné à l’avant d’un troisième phare disposé au milieu de son capot , ce qui lui a valu ce surnom de « Cyclope », nous rappelant la Mythologie Grecque et qu’Ulysse a croisé au cours de son long périple.

Mais qui mieux que Miche Pin lui-même pourrait vous raconter son histoire, lui qui l’a acheté, remis en état pour courir et puis après en avoir fait le tour s’en est séparé…

Je laisse donc la suite du récit à Michel lui-même :

« C’est Jacques Lumbroso (Kiki pour les intimes) qui me l’a fait connaître en 1977. Il m’a décidé à l’acheter (il en a même négocié le prix !), m’assurant que c’était une affaire parce que son châssis était identique à celui de sa barquette 1953.

L’auto était dans un état assez pitoyable, revêtue d’une peinture rouge, ornée d’autocollants publicitaires et surtout affublée d’un avant plus ou moins bizarre, quoique pas mal fait : des ailes de Panhard Z et un capot retaillé de 24.

Pour le reste , elle roulait vaguement mais avait besoin d’une réfection complète.
Dont acte…. avec mes moyens personnels et l’aide de Kiki.

« Restaurer pour rouler » professait Jacques Pothérat. « Bricoler pour rouler « fut ma ligne de conduite.
Mais comment remettre l’avant de cette voiture dans sa conformité d’origine ?

Première question : quel visage avait-elle ?
Je pars en chasse pour trouver des documents d’époque. Première idée, voir les organisateurs des 24 H du Mans, et celle-ci, vu son châssis « course », a bien pu y participer. Malheureusement, l’ACO n’a aucune archive antérieure aux années 70 !
Mais on me recommande auprès de M. Rosenthal, photographe de Presse spécialisé dans l’automobile depuis les années 30.
A mon grand regret, je ne trouve rien sur l’origine de la voiture, à part des photos prises en 1957 à Monthléry, où elle a déjà son avant refait, mais pas le même que le mien, avec un pare-brise bombé.

Mon examen m’a appris en effet que son pare-brise n’est pas d’origine. Il a été intégré, assez habilement d’ailleurs, avec son encadrement en acier, à la carrosserie en aluminium.
Je m’apercevrai bien plus tard qu’il s’agit d’une lunette arrière de 403 Peugeot.
A l’origine, il y avait manifestement un pare-brise en V avec un montant central. »

Sa voiture étant de 1953, Michel se rencarde alors sur les voitures de cette époque pour coller le plus possible aux canons du moment.

Il va alors s’inspirer de la DB Gignoux, vainqueur du TdF 52 qui est justement dans la cour de notre Kiki.

Il avait aussi trouvé chez Rosy des photos de barquettes de ces années là équipées d’un troisième phare.

« Je trouve cela rigolo, je décide de reprendre cette forme.
L’Histoire, bien plus tard, confirmera plus ou moins ce choix.
J’effectue donc quelques croquis d’études et me mets en accord avec moi-même sur un dessin qui me plait.
Quitte à avoir un loisir, autant qu’il soit plaisant…

Et comme je ne suis pas carrossier, je réaliserai ce nouvel avant en polyester.
Tremblez puristes ! Bricoler pour rouler, on a dit !
Tout ce que je veux, c’est donner un aspect présentable à l’engin afin de le faire courir en VEC. Je ne suis pas un collectionneur.

Kiki me permet gentiment de mouler les ailes et le capot du coupé ex-Gignoux.
Je procède à quelques modifications pour obtenir l’aspect du modèle que j’ai choisi : phares en retrait et bosse de capot.
J’assemble toute cette belle carrosserie sur mon auto, le mastique, je ponce, je peins (en bleu myosotis des 2cv Citroën).

Dans la foulée, je colle un faux montant au milieu du pare-brise, pour lui redonner un peu de son aspect d’origine et j’installe un saute-vent en plexi sur le capot, pour le faire paraître un peu moins long, l’adoption d’un pare-brise en une seule partie l’ayant nettement rallongé. »

En 1982, alors fiancé à Marie-Laure, ils feront ensemble deux saisons de rallyes en VEC et quelques démonstrations en course de côte , comme dans les Cévennes où il brisera un cardan droit.
Le Cyclope sera alors remisé pour un long purgatoire.

LES SENSATIONS A SON VOLANT

« Nous avons eu beaucoup de plaisir à utiliser cette voiture. Légère, agile, s’accrochant obstinément à la chaussée, elle s’est avérée performante, eu égard de sa modeste puissance, et surtout, ne nous a jamais fait peur, tant son comportement est fiable.

En ligne droite, elle louvoie légèrement, ce qui est du à son empattement ultra-court.
Il faut la laisser faire car si on la contre, elle devient infernale. Question d’habitude.

En tout cas, elle en a étonné plus d’un. Je me rappelle cette Ford XR2 que nous avions littéralement déposée dans la montée de la Gineste près de Marseille. Le jeune homme au volant était blême !
Et encore une 505 que nous avions larguée en vitesse pure, sur une portion d’autoroute en Alsace (sur le plat cette fois). Jouissif !
Partout où nous sommes passés, le Cyclope a suscité des réactions pour le moins enthousiasmantes.
Curiosité, admiration, amusement on, comme nous venons de l’évoquer, stupéfaction, comme ici sur le tremplin de Mâcon où même un gendarme à droite, se marre (eh oui, ça arrive !).

Et en rallyes, combien avons-nous fait sauter en arrière les commissaires préposés aux départs des épreuves spéciales, lorsque notre Cyclope faisait un brusque écart vers eux en démarrant ! »

LES IMPRESSIONS DE BORD

« On est quasiment assis par terre, le buste droit (on ne peut pas reculer les sièges car ils butent contre la traverse arrière du châssis).
Le volant vertical est tout près du conducteur, comme cela se faisait à l’époque, où les directions étaient dures.

La visibilité est étonnamment bonne, du moins vers l’avant et sur les côtés. Pour l’arrière, mieux vaut n’être pas trop nostalgique ! Les sons sont amplifiés dans la coque en aluminium sans garnitures, avec une qualité métallique particulière propre à ce matériau.

Lorsqu’on accélère, une bonne vieille odeur d’essence envahit l’habitacle. Ce n’est pas ici qu’il faut chercher le confort. Mais les sensations ! Le conducteur est branché en direct avec la route, par les réactions sèchent et précises de la suspension triangulée à l’avant et la direction très peu démultipliée.

Un peu comme dans une monoplace. L’auto vire d’un coup, bien à plat et on n’arrive pas à en trouver la limite : plus on en met, plus elle en veut ! Un plaisir d’une rare qualité.

Dans les épingles, des escarbilles sortaient autour des jantes avant qui raclaient le sol ! A l’arrivée, elles étaient râpées sur leur pourtour.

Au point de vue mécanique, nous n’avons jamais disposé de bons moteurs, récupérant nos fournitures dans les casses ou les lots d’épaves.

Quand cela ne marchait plus, on changeait. Avec Marie-Laure, nous mettions 20 mn pour sortir le moteur… Côté boite, nous n’avons jamais eu le moindre problème avec celle de 24 CT que j’ai installée.

Au départ, nous avions les freins en tôle d’origine pour des roues de 400 et des Super-400 à l’avant, sur lesquels nous montions des roues de 4cv Renault pour passer en 380 (à cause des pneus).
Mais ces roues se tortillaient et les Super-400 vibraient sans freiner mieux que les freins de série. Finalement, nous avons fini par équiper l’auto avec des freins de PL.

Quant au châssis, à part un triangle dessoudé dans une fondrière au Var, il ne nous a jamais embêté. Extrêmement rigide, il semble indestructible. »

L’ORIGINE DE LA CARROSSERIE

Grace aux documents de JP Humbert, à la diligence de Dominique Pinault et de Roland Roy et surtout aux recherches d’Alain Gaillard, Michel Pin a pu approcher les origines de sa voiture.

« Le premier document est assez intéressant.
Il montre enfin l’avant du bolide dans sa configuration d’origine, au départ d’une course disputée en Mars 1953 sur la côte Lapize ; qui se courait en début de saison à Monthléry où les pilotes allaient confronter la puissance de leur voiture à celles des concurrents.
Elle y gagna sa catégorie (Sport 750) aux mains de Georges Trouis.

L’avant ainsi dévoilé ressemble assez à ce que j’ai fait avec les phares en retrait, mais il n’y a pas la bosse sur le capot ni le troisième phare, comme je m’y attendais. Le pare-brise est, comme je le pensais, en deux parties planes avec un montant central.

Son immatriculation est 9251 AJ 75, ce qui ne manque pas d’intérêt car elle est bien antérieure à 1953 et correspond à celle d’une barquette vue aux mains du même Trouis en 51 et 52.
S’agit-il du même châssis ? C’est tout à fait probable.

D’autres photos montrent la voiture dans la même configuration (à part la calandre et l’ajout d’un pare-choc) en 1954, mais aux mains d’un autre propriétaire René Dubois et portant l’immatriculation 728 BB 27, laquelle apparaissait sur la carte grise de la voiture lorsque je l’ai achetée ainsi que sur les photos de 1957 trouvées chez Rosenthal.

D’autres montrent la barquette 9251 AJ 75 sortant des ateliers DB avec une carrosserie manifestement neuve.

Et dans diverses compétitions et même équipée d’un toit rapporté fourni par DB.

Georges Trouis, garagiste parisien avait toutes les facilités pour modifier les voitures qu’il achetait à la marque de Champigny et ne s’en privait pas.

On peut penser qu’après avoir utilisé la voiture en catégorie Sport sous sa forme originelle, puis re-carrossée à nouveau en barquette par les soins de DB, il l’a faite carrosser une nouvelle fois sous forme d’un coupé, cette fois-ci par son carrossier personnel, pour courir en Tourisme et l’a ensuite ré-immatriculée pour bien correspondre à cette spécification.

Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la carrosserie actuelle du Cyclope est d’origine une carrosserie de coupé et non pas une barquette équipée d’un toit.

Sa ligne de caisse est spécifique et ne se rattache pas à celles des DB d’usine, dont elle diffère par la nature de ses formes (les portes, la lunette arrière, la trappe arrière, etc..). »

Au cours de l’année 2001, Michel et Marie-Laure décident de s’installer dans la Nièvre, alors que faire de cette voiture ? La restaurer pour courir ? Le VEC devenu VHC demande aujourd’hui de lourds investissements pour la rendre homologable. Et puis, c’est devenu pénible en rallye de se confronter à des voitures de 200 cv… L’escalade est partout.

Alors, Michel qui en a fait le tour a décidé de s’en séparer, de la vendre pour se lancer dans d’autres projet…

Charly RAMPAL sur des textes écrits et racontés par Michel PIN.