La présentation à la presse et au réseau de la Dyna 54, le 17 juin 1953, a permis au public de se familiariser avec la silhouette audacieuse de la nouvelle Panhard.

 Quant à en prendre le volant, ça, c’est une autre histoire.

Quelques voitures sont sorties de chaîne au mois de décembre 1953, mais c’est réellement au mois de janvier 1954 que la Dyna a commencé à sortir en série.

Qui allait pouvoir enfin la conduire ? Où sont parties les premières voitures ?

A ces questions, on pouvait répondre par des probabilités. Aujourd’hui, on peut vous donner les chiffres à partir des fiches de débit issues du service commercial de l’avenue d’Ivry, enfin, de lever quelques lièvres.

En effet, une partie des registres de production n’avait jamais rejoint les Archives Panhard de Mulhouse, à l’image de ceux qui concernent toutes les Dyna Z.

Le mystère demeure en ce qui concerne les types Z2 à Z18, mais la Z1, en revanche, n’aura bientôt plus rien à cacher.

La quasi-totalité des fiches de ce modèle ont pu être récupérées.

Compte-tenu du temps nécessaire au dépouillement, je me suis contenté, dans un premier temps, de traiter les fiches des 2.000 premières voitures produites, ou plus exactement celles des voitures n° 9 à 1.999, ce qui en fait 1.989, puisque les voitures 11 et 22 manquent également à l’appel.

Le luxe ne peut être que spécial

 Soucieuse de marquer une rupture avec le passé, la marque doyenne abandonne le type « X » en vigueur depuis 50 ans pour adopter le type « Z » sur son nouveau modèle.

Elle recommence aussi au tout début pour les numéros de châssis, c’est-à-dire au n° 1 !

Le modèle présenté en 1953 est donc baptisé « Z1 » pour les Mines ;

ce type sera suivi de Z2, Z3, Z5, Z6, Z11, Z12, Z14, Z15, Z16, Z17 et Z18 pour les évolutions et variantes ultérieures.

Ces premières Z1 ne sont disponibles que dans une seule configuration : la berline Luxe Spécial dont la carrosserie est réalisée entièrement en aluminium.

Une berline Luxe apparaît également au ta-rif dès le 17 juin 1953 et figure encore sur celui du ler octobre suivant (qui vaudra jusqu’au 21 juin 1954).

Tarifée à 699.000 francs, contre 739.000 francs pour la Luxe Spécial (prix augmenté à 760.000 francs au ter octobre et à 785.000 francs le 21 juin 1954), cette version d’attaque promet une substantielle économie, mais ce n’est que poudre aux yeux, puisqu’elle n’a réellement existé que sur le tarif.

En effet, aucune berline Luxe n’apparaît dans ces 1.989 premières voitures, qui couvrent toute la production jusqu’au 15 avril 1954 !

Le client désireux de commander une Dyna ne devait pas passer des heures à la concession pour faire un choix parmi les options, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, et ainsi qu’il était de règle avec la Dyna X.

En effet, la seule option au tarif concerne les pneus à flancs blancs, et celle-ci est obligatoire !

Elle a en effet été montée sur la quasi-totalité des voitures concernées : les seules exceptions concernent quelques voitures exportées en Afrique avec des pneus Kléber « Grand raid » et les voitures expédiées en CKD en Belgique, qui étaient livrées sans un certain nombre d’accessoires.

Pour le reste : deux ou trois voitures ont reçu des déflecteurs aux portes avant (dont n° 14 et 15) trois ont été livrées avec un ensemble de trois valises (n° 15, 78 et 159) une seule a reçu un poste de radio (n° 12) une autre enfin a été commandée avec une montre luxe (n° 42) quant la voiture n° 1.881 livrée à Yves Panhard, il est précisé « volant gris »

Teintes et selleries 

Il semble que la plupart des voitures d’avant-série ont reçu une teinte appelée « vert ambassadeur ».

On la reconnaîtra sur les photos prises lors des journées de présentation de juin 1953.

En revanche, sur les voitures livrées à la clientèle, seuls trois coloris sont disponibles.

Il s’agit d’un vert d’une autre nuance, baptisé « Vert Dyna » ou « Vert Panhard », d’un gris clair appelé « gris Touraine » et du noir.

Huit voitures (dont les sept exportées au Liban) ont quitté l’usine en apprêt, et 62 autres ont été livrées non peintes : les 60 envoyées en CKD en Belgique, qui recevaient sur place une teinte locale, et 2 voitures incomplètes : une infrastructure avec sa mécanique (n° 1.359, pour Jean-Claude Moulin, directeur du magasine « L’Automobile » et un mystérieux « châssis nu VLL » (n° 1.377, pour l’agence d’Etampes).

Mystérieux, parce qu’il est difficile de concevoir un châssis nu au sens propre dans le cas de la Dyna Z.

Voici la répartition précise des teintes de ces 1.889 premières voitures :

Pour la sellerie, il s’agit d’un skaï grenat ou beige dans environ 99 % des cas.

Quelques rares voitures ont eu droit à un skaï gris (avec la teinte gris Touraine ou noir) ou vert (avec la teinte Vert Dyna). Une voiture (n° 256) a eu une sellerie « rouge-gris clair ».

Dans le cas d’une autre (n° 1.429), la sellerie est hors série, parce que fournie par le client lui-même l

Dans le cas des selleries, les statistiques sont plus difficiles à établir, car les fiches ne les mentionnent pas dans tous les cas.

Toutefois, au vu de celles qui sont mentionnées, la proportion s’établit à environ 55 / 45 % en faveur du skaï grenat.

Prototypes et avant-série On peut considérer que les 18 premiers numéros sont des prototypes.

On trouve d’ailleurs la trace de certaines de ces voitures dans des comptes-rendus internes : les n° 1 et 6 sont seulement des infrastructures destinées aux essais au banc.

La n° 3 est une berline non peinte pour des essais d’équipements et de sellerie, la n° 4 est une berline destinée au banc, les coques 8, 9 et 10 sont destinées à Chausson (qui doit étudier la mise en fabrication des coques), aux méthodes et aux expériences.

Le n° 2 est un prototype roulant carrossé en cabriolet acier (#) dont la carrosserie n’est pas conforme à la série.

On en retrouve d’ailleurs la trace dans les fiches de débit, sans que l’on sache sous quelle forme cette voiture a été vendue, le 30 septembre 1954, à Lucien Paillier, un coureur automobile qui s’est illustré sur des voitures de la marque, originaire de Montmorillon dans le département de la Vienne.

Le n° 7 est une berline en tôle d’acier qui sert à des présentations.

Les n° 11 et 12 semblent être des prototypes roulants, mais cette dernière « ne doit pas rouler », il semble que ce soit surtout elle qui ait servi pour les photos et la présentation aux Ambassadeurs, notamment.

Les fiches de débit nous donnent quelques renseignements à partir de la n° 9 ;

Vous en trouverez dans le petit tableau qui suit, qui concerne les voitures n° 9 à 30.

La plupart de ces voitures ont été utilisées comme « matériel roulant » (MR) avant d’être ensuite revendues d’occasion par la SARAP ou le CVO (centre des voitures d’occasion).

En tout état de cause, la première voiture vendue (n° 12) l’a été à Madame Clément-Bayard à Neuilly. C’est, semble-t-il, la seule à avoir bénéficié d’une radio.

Les n° 17 et 18 ont été attribuées à Messieurs Paul et Jean Panhard, en date du 19 novembre 1953. On notera aussi que deux voitures d’exposition ont été munies de déflecteurs aux portes avant, équipement qui n’était pas monté sur les voitures de série, du moins pas avant la fin de 1954.

Démarrage de la chaine de Montage :

Le démarrage de la chaîne de montage des Dyna Z1 s’est fait en douceur.

Carrosserie entièrement nouvelle, organisation des chaînes de montage entièrement revue : la mise en route ne s’est pas faite toute seule, et les premières voitures commercialisées ont semble-t-il souffert de quelques faiblesses, notamment dans le domaine de l’étanchéité.

De 96 exemplaires en décembre 1953, la production est passée à 209 en janvier 1954, 462 en février (au moment où commence l’assemblage en Belgique), 738 en mars. 1.000 en avril puis 1.141 en mai….

Toutes les voitures sont, sans exception, des berlines Luxe Spécial.

Exemple de fiche de livraison :

Fiche de débit de la Dyna n° 104, livrée aux Etablissements Singla, concessionnaire Panhard à Saint-Affrique, dans le département de l’Aveyron, qui n’en livrera que deux cette année. Cette voiture qui se trouve maintenant dans le département de l’Aisne est la plus ancienne en existence, connue.

Où sont parties les voitures ?

Outre les prototypes et voitures d’avant-série dont vous avez pu voir la destination dans un tableau précédent, la plupart des premières voitures ont été livrées aux concessionnaires dans toute la France et dans quelques pays importants pour servir de voiture de démonstration et d’exposition, d’autres ont été confiées à des inspecteurs commerciaux ou à des cadres de la marque.

On peut penser que certains clients ont dû attendre assez longtemps leur voiture, même si la commande a été passée dès l’été 1953 ; toutefois, on connaît rarement le nom des clients puisque la plupart du temps, c’est seulement le concessionnaire qui est mentionné.

Il est parfois fait référence au fait que la voiture doit être livrée à un client actionnaire (qui sont officiellement privilégiés), mais finalement assez rarement.

Pour ce qui est de la France, on a une assez bonne idée de la répartition des voitures livrées pendant l’exercice 53/54 (d’octobre 1953 à septembre 1954) grâce aux feuilles de primes allouées aux concessionnaires en fonction du nombre de ventes.

Pourtant, ces feuilles avouent quelques limites : parfois une voiture est oubliée…, et quelques concessionnaires semblent avoir été « exclus » du système, puisqu’ils ne sont pas repris dans ces fameuses feuilles (par exemple, ceux d’Avignon, de Castres, de Troyes ou de Vitry-le-François) et enfin quelques voitures échappent au circuit de vente traditionnel : ce sont les « ventes directes » faites par l’usine, qui représentent 1 ou 2 % du total.

On notera, aussi, que les agents (dépendant des concessionnaires) n’apparaissent pas, ce qui est logique.

Le tableau des premières ventes :

L’examen de ce tableau ci-après des ventes appelle quelques commentaires.

On constate en effet que la diffusion des Dyna est plus large dans certaines régions.

Paris et l’Ile de France représentent environ 20 % de la diffusion totale des Dyna.

L’export compte pour 28,5 % sur la première série de 1.000 voitures, et 34,3 % sur la série de 1.000 à 2.000, soit 31,5 % en moyenne.

La province compte donc pour environ 50 % des Dyna fabriquées.

Tout en haut du tableau, à égalité (223 voitures chacune), on trouve deux garages parisiens : la succursale Montaigne, dans le 8″ arrondissement, et la SACAM, située Boulevard de Reims, dans le 17′. Avec 135 Dyna écoulées, le garage Alsacien-Lorrain à Metz réalise une bonne performance, tout comme Gougouenheim à Etampes qui en vend exactement autant.

 Le chiffre de 170 pour le garage Atlas à Lyon ou le cumul de 119 pour les deux concessions de Bordeaux apparaissent conforme, alors que la succursale de Marseille déçoit (96 ventes). La succursale de Lille / La Madeleine vend à peine moins (92), mais si l’on compte les six concessionnaires du département du Nord, on arrive à 267 voitures, ce qui prouve que les ch’tis ont assez massivement voté en faveur de cette fameuse Zl.

Les premières Z1 à l’exportation :

Comme on peut le voir dans le petit tableau ci-dessus, l’exportation des Dyna Z a représenté dès le début autour de 30 % de la production.

Ce chiffre satisfaisant en apparence est pourtant à relativiser sérieusement.

En effet, si l’on compte toutes les voitures qui sont parties pour des colonies françaises, des protectorats français ou des pays sous forte influence française (où elles étaient, dans pratiquement tous les cas, achetées par des Français vivant sur place, et éventuellement rapatriées ensuite en métropole), plus toutes celles qui sont parties pour des ambassades de France à l’étranger pour des ambassades étrangères en France, il ne reste plus grand chose :

  • 191 sont parties dans le Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie)
  • 10 sont parties au Moyen-Orient, dont une à l’ambassade de France en Israël,
  • 7 au Liban et une en Syrie ▪ 186 sont parties en Afrique noire pour des territoires sous administration française (sauf au Ghana : mais là c’est à l’ambassade de France….)
  •  12 sont parties en Indochine (Cambodge, Vietnam, Cochinchine)
  • 4 sont allées en Océanie : à Tahiti
  • 20 sont parties pour l’Amérique latine, dont 1 en Argentine, 1 en Colombie, 2 au Mexique et une au Pérou (mais là c’est l’ambassade du Pérou à Paris !) ; les autres dans des territoires français d’outre-mer
  • 4 sont parties aux Etats-Unis et 2 à Saint-Pierre et Miquelon ; 8 ont été vendues à des soldats américains en poste en France, via Overseas Happy Motor Sales 38 ont été exportées via des sociétés d’exportation françaises, vers des colonies françai-ses (Cie Phocéenne de Commerce Colonial, Manutention Africaine ou Ballande)
  • 4 ont été vendues à des militaires français en poste à l’étranger (Théâtre d’opérations extérieures : TOE)

Reste l’Europe : 131, dont 19 en Sarre, une pour l’ambassade du Danemark à Paris et une pour l’ambassade de France à Prague, 6 à Monaco… La Belgique a pris 68 voitures (donc 64 en éléments démontés pour être assemblées à Bruxelles) et la Suisse 18.

Préparation de la première Dyna Z1 avant livraison:

Une des premières Dyna se présente à la pompe pour faire le plein.

Et pas n’importe où : il s’agit bien sûr d’une pompe BP, histoire de faire honneur au partenaire que Panhard « préfère ».

Et qui commandera quelques voitures pour ses cadres.

Charly RAMPAL  A partir de l’étude complète de Bernard Vermeylen qu’il a tirée des archives Panhard.