Pour nous panhardistes, il n’y a pas photo ! Mais ne soyons pas chauvin et regardons avec objectivité ce presque copier / coller de René Bonnet.

Mais je mettrai surtout l’accent sur Le Missile, bien connu de nous autres panhardistes.

Je ne vais pas vous raconter de nouveau l’histoire de la séparation entre D. et B., puis entre B. et Panhard.

En 1963, D.B. est mort, et l’association avec Panhard est cassée (je vous avais relaté un interview avec son fil Claude qui remettait les pendules à l’heure à ce sujet : Bonnet n’avait pas trahi !).

Mais René Bonnet avait trouvé auprès de la Régie Renault le même soutien qu’à la Porte d’Ivry, et les initiales R.B. ont simplement remplacé D.B. tandis que la mécanique Renault prenait le relais des ensembles Panhard.

A côté des prototypes destinés à la compétition, René Bonnet à toujours pensé à ses fidèles clients sportifs ou pseudo sportifs en réalisant des voitures de grandes qualités et au tempérament bien trempé.

Fidèle à cette philosophie, il présenta au salon de Paris le jeudi 4 octobre 1962, trois voitures différentes, basées sur des mécaniques Renault : la Missile, une évolution du cabriolet Le Mans et le coupé DJET.

Objet de mon comparatif, j’ai choisi le nouveau cabriolet Missile au lieu du Le Mans, re-motorisé avec un 1100 Gordini vitaminé, il s’éloignait trop de notre Le Mans Panhardisé et le châssis et carrosserie étaient exactement celui que nous connaissons.

La Missile a été étudié dans des délais extrêmement courts afin d’être prêt pour ce salon : la décision de fabriquer un tel modèle avait été prise quelques mois plus tôt.

La carrosserie en polyester stratifiée se fixe sur une plate-forme de R 4 L avec longerons intégrés sur laquelle on retrouve des éléments de diverses voitures, toutes en provenance de Renault.

CARACTERISTIQUES GENERALES

La Missile est en réalité un véritable cocktail Renault.

Tout d’abord, le moteur et la boite viennent de la Dauphine 1093 et ils sont montés sur une plate-forme de R 4.

En conséquence, le moteur arrière de la Dauphine a voyagé et se trouve à l’avant derrière la boite-pont qui garde à la plate-forme son caractère de traction avant.

Le moteur 3 paliers a conservé sa cylindrée initiale de 845 cc  équivalent au bicylindre Panhard de 848 du DB Le Mans.

Mais la Missile annonce une puissance maximale de 55 ch à 5.200 t/mn, alors que le groupe Gordini ne dépasse pas en série 40 ch à 5.000 t/mn mais légèrement inférieur aux 58 ch à 6.300 t/mn du Panhard.

Le couple maximal du Missile est de 7,5 mkg à 4.200 t/mn contre 7,5 mkg à 3.500 pour le Panhard.

Pour obtenir cette puissance sur le Renault, le rapport volumétrique est passé à 9,2 grâce au montage de pistons bombés. Celui du Panhard est naturellement de 8.

Un nouvel arbre à came a été dessiné et plusieurs autres modifications mineures ont été apportées : n’a pas les gènes sportifs qui veut !

René Bonnet, biberonné au bicylindre Delagarde, a lui-même modifié le moteur 1093 en adoptant de nouvelles tubulures et un double corps Zénith de 32 au lieu et place du double corps Solex de la 1093.

Zénith double corps de 38 sur le Panhard.

L’embrayage renforcé vient directement de la Dauphine Rallye, ainsi d’ailleurs que la boite quatre vitesses à première non synchronisée.

Toutefois, le rapport de pont a été allongé afin de permettre à la voiture d’améliorer ses performances sans que le moteur atteigne  pour autant des régimes de rotation dangereux. 

CARACTERISTIQUES DU MISSILE

CARACTERISTIQUES DU D.B Le MANS PANHARD

La carrosserie partiellement dérivée de notre Le Mans est en polyester posé sur la plate-forme de R 4 L, comme je l’ai déjà dit, à laquelle est fixée la suspension des quatre roues indépendantes qui s’opère à l’aide de barres de torsion, assistées par des amortisseurs hydrauliques télescopiques nettement plus forts et plus fermes que ceux de la R 4.

Il est également prévu à l’avant une barre stabilisatrice.

La suspension du DB Le Mans est la même que nos Panhard : Suspension avant à roues indépendantes avec deux ressorts à lames transversaux et à l’arrière, roues semi-indépendante avec essieu en V et barres de torsion transversales.

Pour le freinage : la Missile fait confiance aux freins à disque de la R8, tandis que les roues arrière restent équipées de tambours.

Pour notre DB Le Mans, ce sont les magnifiques ALFIN qui assurent la sécurité.

Bien entendu, la direction est à crémaillère pour les deux modèles

LES PERFORMANCES

Pour améliorer les performances, les deux véhicules ont gardé leur hard-top.

Sur l’autodrome de Linas-Montlhéry, les performances sont semblables, mais assez loin de celles d’un DB-HBR qui pointe allégrement à 160 km/h alors que les deux concurrentes ne dépassent pas les 150 km/h.

Décapotées elles ne dépassent pas les 140.

Quant aux accélérations, il ne faut pas espérer descendre en dessous des 20 secondes aux 400 départ arrêté et 39 aux 1.000 m, pour la Missile et 38 2/5 pour le DB Le Mans.

Il est donc certain que pour un rapport prix/performances on est un peu frustré, quand on sait qu’une DS ou une 404 à injection sont plus rapides et plus nerveuses.

Le moins agréable est le moteur de la Missile qui, en dessous des 2.550/3.000 tours, la carburation accuse par moment des irrégularités fâcheuses et il convient d’avoir le pied extrêmement souple à moins de soumettre l’embrayage à un travail qui confine au massacre.

Malgré son bicylindre, le Le Mans s’avère d’une souplesse convenable.

Comme vu plus haut, la boite de la Missile est celle de la 1093 avec un rapport de pont plus long.

Compte tenu de sa faible puissance à bas régime, on se trouve donc contraint à tirer sur les intermédiaires jusqu’aux 6.500 tours si on désire escamoter les « trous » qui existent entre chaque rapport.

A ce régime, la seconde atteint les 70 au compteur, et 110 en troisième, ce qui peut avoir des conséquences sur la longévité du moteur.

Telle qu’elle est réglée, la Missile n’est donc pas une voiture de ville agréable et sur route, elle préfère nettement les itinéraires dégagés et plats qui lui permettent de se lancer.

CONSOMMATION

En tirant le maximum de la Missile, nous avons consommé 7,8 litres aux 100, le Le Mans se situe aux alentours des 8 litres.

SECURITE

Les D.B. ont toujours très bien tenu la route et les René Bonnet ne paraissent pas décidées à faire mentir la tradition.

Sur les deux modèles la direction est douce pour une traction avant.

Toutes les deux tiennent fort bien leur trajectoire en ligne droite et même sur route mouillée et par fort vent latéral : leur conduite ne pose aucun problème particulier.

En virage, toutes les deux réagissent très sainement et si elle s’avèrent sous-vireuse dans les cas extrêmes on peut fort bien les équilibrer selon son désir.

Côté freinage, René Bonnet a eu la possibilité de se ruer sur les freins à disques de la R8 tout en conservant à l’arrière des tambours classiques.

Contrairement à la D.B. Le Mans qui elle se contente de 4 tambours et même s’ils sont badgés Alfin, ils abandonnent le terrain devant ceux de la Missile lors des épreuves de résistances à l’échauffement.

La pédale de la R.B. est extrêmement dure par rapport à la D.B. et à vitesses modérée, il est extrêmement difficile de s’arrêter très  rapidement en raison de l’effort qu’il est nécessaire d’appliquer de manière souvent impromptue !

C’est là que la D.B. Le Mans prend sa revanche.

Quant à la direction elle est parfaite de précision sur les deux modèles et seules quelques-unes de ces réactions propres aux tractions avant peuvent être décelées lorsqu’on accélère fortement dans les virages à court rayon.

HABITABILTE

Les deux modèles sont très proches puisque la caisse est pratiquement la même.

Je vous livre cependant celle de la R.B. Missile moins connue :

CONFORT GENERAL

Sur la Missile, bien que la suspension soit celle de la R4, elle se trouve ici énergiquement bridée et le confort à vitesse modérée peut être discuté.

A grande vitesse au contraire, on retrouve une certaine part du moelleux de la R4, d’autant que sa vitesse de pointe est modérée et donc bien adaptée.

Le D.B. Le Mans, lui est très confortable à toutes les vitesses : la signature Panhard en quelque sorte.

Quant à l’insonorisation, disons simplement le rapport bruit/performance n’est pas favorable aux deux voitures, sans qu’ils soient catastrophiques pour autant.

Il est certain qu’en décapotant les résultats sont alors tout à fait acceptables, l’effet caisse de résonnance disparaissant.

Ayant la même conception de carrosserie, les deux voitures sont en tout point semblable.

Les sièges eux-mêmes sont confortables mais il est préférable de ne pas ouvrir une portière à proximité d’un haut trottoir et que par ailleurs, l’accessibilité est nettement meilleure lorsque la voiture se trouve décapotée : une lapalissade !

Quant  à la visibilité, elle est limité à cause des montants latéraux du pare-brise  tandis que les deux angles morts latéraux existent à l’arrière.

Enfin, l’étanchéité n’est pas parfaite à causes des fuites au niveau des portières.

Au niveau du pédalier, celui de la D.B. est mieux disposé car sur la Missile, il est trop haut, ce qui est pénalisant sur une position de conduite presque allongée.

Si l’esthétique ressemble à un copier / coller, le goût diffère à l’infini, mais il faut reconnaitre que l’ensemble du D.B. a un je ne sais quoi de bien plus élogieux.

Si le verbe « admirer » est mal choisi pour cette carrosserie, l’idée était bonne, les formes sont tout de même un peu simplistes et les volumes désaccordés.

Cela dit, elle n’est pas laide, ni très démodée aujourd’hui, car assez plate avec des flancs excessivement bombés pour rattraper l’étroitesse des voies de la PL17 ou de la R4.

En fait il y a un manque chronique d’agressivité dû certainement à une recherche d’élégance inspirée de la Simca Océane et proche dans son dessin, de la Sunbeam Alpine.

Quant à leur finition elle est correcte sans plus, même si l’équipement Luxe a un coût très élevé.

CONCLUSION

En mettant en avant l’effort courageux d’un homme qui entend demeurer un constructeur, on ne peut que saluer ces deux réalisations de qualités routières de bon aloi, surtout sur la D.B. Le Mans.

Mais on sent sur la Missile, la fin de cette époque de Francs tireurs.

Charly RAMPAL  (Doc. personnelle et essai de l’A.J.)