Après la 24CT et la Dyna Z1, voici le tour du Junior qui courait en VHC dans les années 70 / 80, principalement aux mains de Jean Krenzer, un Alsacien de talent. Là, c’était du sérieux.

Hélas, peu de modèles coururent en compétition, il faut dire que les berlines Z1 et même PL17 étaient plus performantes, mais surtout véhiculaient une image plus proche de grand public auquel elles étaient destinées.

Mais, ce petit roadster, pour l’avoir vu évoluer à Monthléry et aux 24h de Dreux aux mains de Jean-Paul Lefèvre, a tout de suite attiré ma sympathie. Et bien préparée par ce dernier, il mérite de figurer au tableau d’honneur des modèles sportifs à mécanique Panhard.

Présenté en 1951, ce petit roadster adopte une forme parallélépipédique qui n’est pas un canon de la beauté. Mais il a eu l’avantage de drainer des acheteurs jeunes ou qui voulaient le rester…!

Je ne reprendrai pas ici l’historique de ce modèle, car Bernard Vermeylen l’a fait bien avant et beaucoup mieux. Mais l’objectif du site du PRT étant la compétition, attachons nous à décortiquer la préparation de la voiture de Jean-Paul Lefèvre.

La base est un modèle de 1954 qui a reçu des silentblocs au-dessus du carter d’embrayage. La voiture a été désossée et complètement remontée en puisant largement dans une banque de pièces de 24CT. C’est ainsi que les trains avant et arrière, le moteur et la boite et d’autres bricoles proviennent de la dernière production de Panhard.
L’amélioration de la tenue de route dans cette configuration était incontestablement améliorée : la 24 étant un modèle de perfection à ce niveau. Mais avec cet équipage, on ne peut pas monter la colonne de direction telle que. Jean-Paul a du découper la colonne pour l’ajuster sur le Junior. Après plusieurs essais infructueux, il a fini par obtenir un résultat cohérent, même s’il lui a fallu légèrement échancrer le berceau.

Deuxième souci : l’amortissement. Jean-Paul voulait un léger carrossage négatif à l’avant pour avoir un train directeur mieux guidé. Il a donc commencé par modifier la lame maîtresse, avant de s’attaquer à la suspension proprement dite, car il voulait monter des amortisseurs télescopiques. Il a donc utilisé au départ le montage inférieur prévu sur les 24. Mais en roulant, le train avant avait tendance à s’ouvrir !
Il a donc été obligé de réaliser un bras, prolongé par un fer plat en bout. Mais ça pesait un poids dingue et de plus ses amortisseurs talonnaient. Il a donc tout refait en tubes et désaxé la fixation du pied d’amortisseur pour que le débattement de celui-ci soit plus important. Seul inconvénient : comme la roue remonte un peu plus, il bouffait du pneu sur l’extérieur, parce qu’ils viennent frotter contre le bord de l’aile.

Pour l’arrière, Jean-Paul a conservé l’essieu rigide du Junior, mais en le modifiant pour y adapter les flasques et les tambours de 24 : les flasques de 24 avec les moyeux du Junior ne passaient pas à cause des roulements plus petits. Il a ensuite soudé une plaque pour recentrer tout ça. Enfin, pour que les roulements travaillent toujours dans l’axe, il a rajouté une barre transversale, fixée à la carrosserie et sur le bout du « V » derrière le moyeu, afin de guider un peu mieux le train arrière en appui.
C’est d’autant lus important que, lorsqu’on voit le montage d’origine et la longueur du bras de suspension, on est obligé d’avoir du jeu au niveau des roulements. Là, les bras restent quasiment en ligne.
Parallèlement, Jean-Paul a conservé les amortisseurs Houdaille (supprimés dans un premier temps, c’était trop mou), mais il leur a adjoint des amortisseurs télescopiques. Les pattes de fixation inférieures sont reprises sur une 24 et soudées sur les bras. Pour la fixation supérieure, il a fallu usiner une équerre en tôle de 8 mm d’épaisseur avec un support.

Cette série de modifications change radicalement le comportement du Junior qui devient phénoménal sur le sec. L’auto est littéralement accrochée à la route.

COTE MOTEUR

L’admission est confiée à un carburateur double corps Zénith 38 NDIX, venu en droite ligne de la 24, mais avec des gicleurs de ralenti plus gros : 50 au lieu de 45.

Une petite plaque est fixée sur le carter juste devant lui, pour éviter le phénomène de percolation. Par contre Jean-Paul a modifié les conduits d’admission au niveau des cylindres : il a remplacé le système avec bride, plaque et joint entre les deux par une durite, donnant au montage de la souplesse. De même, côté raccordement du tube d’admission au niveau du boitier, sous le carbu, Jean-Paul a soudé une bride pour supprimer le joint torique et intercaler deux joints papier. Ainsi, il n’a plus la moindre prise d’air. Les tubes de réchauffage ont aussi été supprimés.
Le tout est surmonté par un filtre à air en coton.

L’échappement est également monté souple, suite à de nombreux problèmes en endurance que Jean-Paul a essayé de résoudre un à un. Ainsi, un petit truc qui n’a l’air de rien : au départ il avait une goulotte de remplissage de 2 cv. Il mettait un temps fou à remplir le réservoir de Visa qu’il avait installé et en plus ça refoulait. Maintenant, il a une goulotte de camion, avec bouchon de fermeture et d’ouverture rapide et en 25 secondes, il fait le plein.

La ligne d’échappement a donc suivi le même type de réflexion. Au départ, il avait un échappement de type Z1, avec des tubes qui trainaient presque par terre. Il a d’abord refait des tubes lui-même en les coupant et en les soudant. Mais il avait un ensemble rigide, une sorte d’anneau puisé sur une Visa a permis un montage souple.

Le silencieux arrière est une fabrication de Jean-Paul, car il ne trouvait pas celui qu’il recherchait. Mais ce n’est pas si évident, car il y a des cotes à respecter si on ne veut pas avoir des retours de gaz dans l’échappement. Jean-Paul s’est inspiré de la colonne centrale d’une PL17 et fait des compromis au niveau des tubes. Sur une 24, on a ainsi des tubes de 55, Jean-Paul a monté du tube de 50.
Pour le silencieux, il a refait trois grosses rondelles qu’il a percées, puis il a pris de la laine de verre dans son grenier et roulé une tôle au fur et à mesure. Puis il a fait faire une enveloppe extérieure en carbone et son tube s’emmanche là-dedans comme une chaussette et il est tenu par uns simple vis de 6. Il est entièrement démontable !

A y regarder de près, les modifications ne s’arrêtent pas là. Car toutes la fixation du moteur a été sévèrement revue et corrigée, pour combattre l’énorme porte-à-faux originel qui, lors des gros freinages (n’oubliez pas que nous sommes en compétition) obligeait la boite à taper dans le berceau.
Le moteur avait évidemment tendance à se cabrer et Jean-Paul a imaginé un berceau supplémentaire, en soudant deux tubes pris sur le berceau, de chaque côté et qui viennent se repiquer sur une plaque de 5 mm d’épaisseur qui est prise sur le carter de distribution, un peu comme ce qui se faisait sur les MEP. Et sur les deux gros silentblocs d’échappement. Pour améliorer encore, Jean-Paul a rajouté un gros silentbloc sur le dessus de la boite. Un sacrée galère à faire, d’autant que ça imposait des goujons plus longs sur le bloc pour fixer tout ça, et pour pouvoir mettre la turbine et la tôle de refroidissement. Mais le résultat est là : ça ne bouge plus ! Et du coup, le passage des vitesses est un vrai bonheur.

Et pourtant, la commande de sélection se fait pas câble, par l’intermédiaire d’un levier de 24 planté sur le plancher. La boite elle aussi, provient d’une 24, mais pas dans sa version longue (on a 24 km/h en quatrième à 1.000 tours, au lieu de 26). Car pour les circuits du type Dreux, ça suffit dans lesquelles les lignes droites sont plutôt réduites.

En fait, le seul souci de cette boite, c’est le levier de 24 dont le débattement mériterait d’être réduit pour le passage 2 en 3. Mais la douceur et la précision compensent largement ce défaut, commun à toutes les 24. De plus, il utilise une huile spéciale que lui a vendue un gars du midi. Le film autour des dents est plus épais, uniforme et s’enroule durablement autour des dents. Du coup, les vitesses passent comme dans du beurre !

Le freinage, lui aussi, est directement emprunté à une 24 à freins à tambours. Les disques sont ici inutiles, compte tenu du poids de l’auto (à peine 530 kg). Avec des garnitures collées et tendres. Pas d’échauffements suspects durant les épreuves d’endurance de 12 ou 24 heures. Mais au contraire une bonne endurance et des distances de freinage très courtes. Les garnitures sont assez résistantes pour trois épreuves de 24h menées tambours battant.

Evidemment tout a été réalisé avec soin, pas un fil ne dépasse, des pièces reconditionnées avec soin, des colliers de fixation accessibles : le moindre détail a été pensé et soigné.

DEPOUILLE POUR DES SENSATIONS PURES

La carrosserie est à cette image. Et pourtant que de travail dessus ! Car Jean-Paul est parti d’une épave dont les planchers étaient pourris (il a fallu les refaire), le tablier avant était inexistant, les portes étaient mortes, tout comme les capots. La face avant était une véritable dentelle. Le côté positif de la chose est que Jean-Paul a pu alléger au maximum l’ensemble, car un Junior c’est lourd d’origine, comme les portes ou le capot qui pèsent 15 kg. La fibre de verre a donc été privilégiée pour ces éléments, ainsi que pour la face avant qui a aussi été redessiné pour améliorer le refroidissement à partir de crevés qui peuvent être obturés par de petites plaques qui se mettent en place en quelques secondes pour les « run » nocturnes, afin d’éviter que le carburateur ne givre : il faut penser à tout !

A l’intérieur le dépouillement est évidemment de mise et devant l’arceau de sécurité imposant, il n’est prévu qu’une place, celle du pilote, la place du passager étant occupée par la batterie et, en course, elle est masquée par un couvre-tonneau qui se fixe par boutons pression. Tout est fait pour que le pilote se sente à l’aise.
Le pare-brise en Lexan coupe juste ce qu’il faut de l’air aspiré par la voiture, avec ses petits retours latéraux.

Le volant à trois branches évidées tombe parfaitement en main, ni trop haut, ni trop bas. Tout comme le levier de vitesses ou le frein à main planté derrière le levier de vitesses, sur le plancher. Il agit sur les tambours arrière : bien vu Jean-Paul !

Face au pilote, le compteur est à gauche, gradué jusqu’à 170 et le compte-tours à droite gradué jusqu’à 8.000 tours. Entre les deux, le voyant de pression d’huile. Sur la droite la jauge à essence, l’ampèremètre, la température d’huile et.. une montre (on voit bien que l’auto a été préparée pour l’endurance où il faut surveiller les relais). Et les commandes du contact, démarrage et starter : point barre. Tout le reste serait d’ailleurs du superflu.

PREPARATION MOTEUR

Rien d’extraordinaire me dit Jean-Paul avec un petit sourire ! Pourtant il m’avoue en avoir sorti 70 ch ! Certes en partant toujours d’un berlingot de 24,, type M10S qui développe déjà 60ch à 5.800 t/mn. Mais tout de même. Le taux de compression est gentiment augmenté par l’adoption de pistons dont la tête bombée est plus évasée. Les entrées d’admission ont été agrandies et polies. L’arbre à cames est un peu plus pointu. Le problème des arbres à cames Panhard, c’est qu’ils y a trop de croisement et que tu finis par renvoyer les gaz brulés dans l’admission.
C’est pour ça que tous les filtres à air sont pourris, ça recrache trop à l’admission !
Jean-Paul a trouvé un compromis après bien des essais. En fait, il ne faut surtout pas augmenter l’avance à l’ouverture d’amission (AOA), par contre, il faut mettre beaucoup de retard à la fermeture d’admission (RFA), tout en diminuant le retard à l’échappement pour éviter l’effet de pompe. Avec ça, on a une bombe !
Sans nous livrer ses secrets, Jean-Paul finit par avouer sous la torture dans la chambre des aveux spontanées, que l’AOA doit être le même que sur un arbre à cames de type « S ». Par ailleurs, il faut augmenter légèrement la levée des soupapes.

Parallèlement, la distribution a été particulièrement soignée. Tout a été allégé. Le pignon Dural a été percé de trous tout autour et son épaisseur a été diminuée. Les tiges de culbuteurs sont également plus courtes puisque Jean-Paul a mis celles des premiers bicylindres qui font 20 et 25 mm de moins. Ça supporte mieux les hauts régimes et on court moins de risque de flamber une tige de culbuteur. L’inconvénient, c’est que ça impose le montage de poussoirs plus longs.

Toutes ces modifications suivent un ordre logique : quant tu mets du retard à l’admission, tu n’as pas le choix, il faut augmenter le taux de compression.

De même, le moteur tournant plus vite, il faut assurer une lubrification plus sérieuse qu’à l’origine. D’où le montage d’une pompe à huile double premier modèle, c'est-à-dire avec des pignons deux fois plus gros et le montage d’une entretoise, sans oublier de bien surfacer la plaque d’en dessous, et conserver le clapet d’origine : ressort et bille neuf.

PRISE EN MAIN… ENFIN !

Confortablement installé dans le baquet type Simca Rallye 2 (le meilleur, c’est ceux que nous avons aussi sur le DB HBR !) c’est une auto qui invite à conduire vite. Offrant une excellente visibilité avec son pare-brise large, ses deux rétroviseurs obus style California qui offrent une vue imprenable sur les concurrents doublés ! C’est sport à tous les étages, y compris au niveau du pédalier suspendu de 24, mais revisité par Jean-Paul puisque la pédale d’embrayage vient d’une Visa, celle du frein d’une 24 et l’accélérateur est fait maison, placé parfaitement en face de la colonne de direction, ce qui évite de se déhancher.

Et croyez moi, on apprécie vite le souci du détail lorsqu’on se lance pour un relais de deux heures. Il reste juste à se concentrer sur la piste, à soigner ses trajectoires et à prendre du plaisir à l’état brut.
Des autos comme ça on en redemande…

Charly RAMPAL (Remerciements à Jean-Paul Lefèvre)