MONTE CARLO HISTORIQUE 2004 : De MONTREMY SUR LES TRACES DE SON PERE

Aujourd’hui, la participation de modèles Panhard aux épreuves historiques de rallies est rare. D’autant plus rare est la participation à une épreuve hivernale qui rebute toujours nos participants à cause des conditions extrêmes soumises aux pilotes (chauffage illusoire à bord de nos voitures), aux voitures et à l’assistance, les pieds dans la neige !

Aussi pour marquer ce type de rallye, j’ai choisi le VIIème rallye de Monte Carlo Historique pour raconter cette aventure sportive à bord d’une Dyna X, conduite, tenez-vous bien, par Manuel de Montremy dont l’illustre filiation donne une raison de plus à mon choix.

SAMEDI 31 JANVIER : PARCOURS DE CONCENTRATION

Après les inévitables vérifications techniques et administratives, la voiture est stationnée dans le parc des expositions de Reims qui sera la ville de départ.

C’est le début de l’aventure qui commence avec son train de stress et d’imprévus. Les autocollants qui habillent la voiture lui donne maintenant une allure véritablement de course ! Mais pour illustrer la tension de nos pilotes, Manuel s’entaille sérieusement un doigt avec un cutter. La vue du sang et la fatigue le font tomber rapidement dans les pommes. Heureusement Sophie est là et joue les infirmières avec la trousse de secours que l’équipage avaient eu la présence d’esprit d’acheter le matin même !

La pluie et le vent sont de la partie pour écouter les nombreux discours d’avant départ et ajouter de l’eau aux yeux des proches qu’ils vont quitter pour l’inconnu.
Mais l’émotion sera à son comble quand ils se présentent sur le podium de départ avec leur petite Dyna bleue pour ses premiers tours de roue en compétition.

La foule est nombreuse et parmi elle les amis sont présents ainsi que les sympathisants qu’entraîne cette voiture !

Maintenant il faut y aller et rouler : certaines mauvaises langues leur avaient dit « si vous tenez jusqu’à Langres, ce sera déjà un exploit ! ».
Le Tripmaster est mis à zéro juste avant le Go du préposé au drapeau tricolore ! Et les voila partis pour le parcours de concentration. L’objectif, pour ne pas dire la gageure, était de faire faire à la petite Dyna plus de 800 km non-stop alors que tous les tests effectués jusqu’à présent ne dépassaient pas 200 km, et ne s’étaient jamais montré très concluants : ni pour la voiture ni pour le pilote.

La nuit tombe déjà en cette période, mais elle sera fantastique à traverser la France sur ces petites routes désertes et à une moyenne soutenue. La voiture est brillante contrairement à l’équipage qui accumule erreurs sur erreurs qui leur amène un premier lot de pénalités.

Au contrôle d’Avirey Lingey, une très jolie femme type « parisienne-bcbg » sort de la foule et se précipité vers la petite Dyna, ouvre la porte d’autorité et lance : « je suis une descendante de la famille Panhard, et je voudrai une photo avec vous ! » La femme est charmante et Manuel sous le charme, s’exécute.

Au contrôle de Langres, c’est la première pause sandwichs à la mode militaire : 2 morceaux de gruyère entre 2 tranches de pain de mie, c’est sec, mais quand on a faim, c’est bon ! Alors qu’un repas offert par l’organisation les attendait au chaud ! Raté, le stress, je vous dis ! Dans l’affaire Manuel n’a pas reçu le road book qui devait leur permettre de traverser la ville sans problème.

C’est reparti. La Dyna marche allégrement et tient la moyenne sans forcer. Le vent a faibli et la nuit est magnifique. A ce moment là, on sent que le Rallye a vraiment commencé, les mondanités sont terminées. Sur la route vers Dôle, une douce quiétude envahit l’habitacle. Quiétude toute relative, car avec 10° à l’intérieur et l’affût du moindre bruit suspect émis par le bi-cylindre, Manuel et son co-pilote restent vigilants.

Le contrôle de Dôle se passe sans problème. Après des vérifications d’usage ( huile, pneus), la voiture reprend sa route vers Roanne au milieu d’une rangée de spectateurs qui balise la route.

La ville de Roanne est endormie alors que l’équipage cherche le contrôle : il est 3h du matin En désespoir de cause ils vont vers le centre ville croisant de joyeux fêtards qui n’en savent pas plus. Enfin, un petit groupe de personnes semble avoir le bon renseignement en leur indiquant un petit parking invisible ! Moralité, les minutes de pause prévues sont passées à l’as pour combler un peu du retard de 6mn accumulé à ce contrôle et qui coûterons cher en pénalité !
C’est rageant car ils étaient en avance sans aucun problème pour tenir la moyenne.
Mais bon, il faut positiver : le contrôle est passé et la voiture va bien.

Au contrôle d’Ambert le jour se lève doucement. C’est magnifique, mais c’est surtout une grande satisfaction puisque la voiture a réussi à passer le cap de la nuit. L’équipage lui-même se surprend à ne pas avoir sommeil, ni être fatigué !
De temps à autre, la Dyna croise des voitures qui n’ont pas eu de chance ou d’avoir dérapé sur une plaque de verglas, comme cette MG cabriolet qui est en équilibre sur un muret, posée sur son châssis à 50 cm du sol. La calandre est encastrée dans un arbre qui a arrêté la voiture. Derrière le muret et l’arbre, il y a un fossé avec de l’eau. Quand on sait que la voiture n’avait pas d’arceau, si l’arbre ne l’avait pas arrêté, elle se renversait sur la capote avec les conséquences que l’on imagine ! Il y a quand même un bon Dieu, même pour les anglais !

Ce coup du sort leur fait oublier que pour la Dyna tout va bien et gagné par l’euphorie la cadence augment inconsciemment et horreur : le co-pilote a oublié d’étalonner le Tripmaster dans la zone prévue à cet effet !

Ainsi, ils pointent avec 6 minutes d’avance au contrôle du Puy en Velay ce qui leur coûte un bon gros paquet de pénalités !

DIMANCHE 1er FEVRIER : ETAPE DECLASSEMENT

La Dyna arrive à Vals les Bains vers 9h du matin. Mais si tout va bien, ils savent que le but est de rallier Monaco : il ne faut pas se réjouir et rester concentré.

Les choses sérieuses vont commencer avec la boucle de 270 km en pays ardéchois.
Les panhardistes le savent, sur la Dyna X, la visibilité vers l’avant n’est pas terrible par temps de pluie et quand une voiture les double, je ne vous en parle pas ! Aussi un ingénieur système « D » a été mis au point avec un pulvérisateur à gâchette à main que le co-pilote passe à travers la vitre latérale et asperge le pare-brise : résultat garanti ! … quand les essuie-glace marchent, car un faux contact derrière le tableau de bord transforme cette action en suspense.

Une foule immense jalonne le parcours. Le ciel est d’un bleu intense et avec la neige sur les bas côtés, la luminosité et la beauté des paysages sont extraordinaires.

La Dyna est dans le peloton des grandes, elle s’amuse même à suivre et même à doubler des Alpines, des Alfa Roméo, des Lancia et la Matra d’Henri Lecomte !
Le soir, un anglais tape sur le toit de la Dyna en vociférant, avec un sourire qui en dit long sur le plaisir que l’équipage a pris : FANTASTIQUE !

LUNDI 2 FEVRIER : PARCOURS COMMUN

Le compteur ne s’allume pas. Le faux contact derrière le tableau de bord est impossible à trouver. Il ne s’allumera pas de la journée : c’est un signe !
Dès les premiers kilomètres, un bruit dont l’origine est difficile à définir, s’amplifie. On pense à un bruit moteur en tout cas ça vient de l’avant. Finalement, le câble du compteur et la pièce de liaison avec le Tripmaster tombent sur les chaussures de Manuel ! Le remettre en roulant est impossible dans cette forêt de fils qui passent derrière le tableau de bord : il faudra attendre le prochain arrêt. Malgré une forte odeur d’huile chaude, la Dyna est toujours vaillante et les kilomètres s’enchaînent.

Avant le contrôle de St Jean De Royan, la Dyna s’arrête pour refaire le niveau d’huile et l’équipage constate tout de suite des traces d’huile à la sortie des ouies d’aération du capot : la catastrophe est annoncée ! La jauge d’huile montre que le niveau baisse dangereusement alors que jusque là la consommation était inexistante. Un examen rapide et le diagnostic tombe : caches culbuteurs desserrés. On resserre, le plein d’huile est fait largement et la petit Dyna repart dans un nuage de fumée bleue.
Le moteur tourne impeccablement et Manuel tente des régimes élevés pour s’assurer que tout va bien. Le nuage bleu est magnifique dans le soleil. Personne n’est inquiet et très rapidement, il cesse et tout redevient normal. L’huile ayant fini de brûler sur les échappements.

Dans le col de l’Echarrasson, le carburateur commence à givrer. La voiture n’a pas beaucoup de puissance et la première est souvent engagée pour relancer la voiture tant la pente est forte. Tout le monde les dépasse et ils se retrouvent derniers.
A Rosans, l’assistance leur passe un sandwich au fromage qu’ils mangeront en roulant. Dans la précipitation un morceau de cet odorant met tombe sous le siège sans que personne s’en aperçoive : ils garderont cette odeur jusqu’au bout en se suspectant l’un et l’autre !

Ils sont repartis derrière la Traction d’Yves Génier de TF1 et en profitent pour le suivre dans le col de Lachau. Curieusement, en haut, pas de photographes mais de skieurs de fond. Le doute s’installe d’autant que la traction a disparu forte de sa puissance. Les cols s’enchaînent et quand on sait l’affection de la Dyna pour les montées et un carbu qui givre de plus en plus, c’est une demi-heure de retard qui sanctionne cet épisode. L’équipage craint la mise hors course. Les 20 derniers kilomètres sont faits derrière une Peugeot d’un usager qui leur ouvre la route tout phares allumés pour faire dégager la route.
Grâce à lui, le retard se stabilise et le contrôle est passé avec 32 minutes de retard soit 2 de plus que la limite autorisé et 10.000 points de pénalité. Finalement les commissaires décident de les laisser continuer !
L’assistance est alertée pour trouver un garage qui puisse régler ce problème de carburation. Finalement c’est à Gap qu’un garagiste de 4 x 4 bricole une magnifique tôle qui empêchera le givre de se former. Le moral est dans les chaussettes après cette journée riche en galères.

MARDI 3 FEVRIER : PARCOURS COMMUN SUITE

Le départ se fait à partir de l’aérodrome de Tallard à la sortie de Gap. La descente vers Monaco est magnifique. Le Tripmaster n’est toujours pas calé et la navigation se fait avec la carte Michelin sur les genoux.
Suite à un accident, la spéciale a été neutralisée et c’est par l’autoroute que Monaco est rallié : c’est le moment de décompresser. Les embouteillages à l’entrée de Cagnes font chauffer la voiture et à nouveau ce nuage bleu qui les suit. Ne voulant prendre aucun risque à l’approche du but, un arrêt pour vérification montre une belle flaque d’huile sous la voiture ! Hélas, ce n’est pas de l’huile moteur, mais de boite ! Le joint autour de l’arbre de roue est éclaté et il n’y a plus d’huile à l’intérieur. Heureusement cet épisode se déroule dans le col de la Turbie qui sera descendu en roue libre moteur coupé. Ce n’est qu’au contrôle que la voiture sera remise en marche.

NUIT DE MARDI A MERCREDI 4 FEVRIER : LAST NIGHT.

A 22H10, le départ de la dernière boucle Monaco / Monaco est pris pour le fun et garer la Dyna blessée quelques mettre après, déçu de ne pas pouvoir s’offrir cette apothéose.

Vers 1h du matin, les premières voitures repassent le contrôle final. La Dyna est remise en route pour répondre au règlement. Une bouffée d’émotion s’empare de l’équipage : ils l’ont fait !

Il leur sera difficile d’aller se coucher et préfèrent rester à côté de leur tas d’aluminium qui pour eux avait une âme. Elle est si mignonne et semble si fragile à côté des montres de l’époque.
Manuel ne peut retenir ses larmes. Une relation humaine se crée et Manu se surprend à lui parler comme à un fils. Un dialogue surnaturel s’instaure entre eux.
Manuel De Montremy comprend maintenant ce que ses parents ont vécu à bord de la même voiture.

In fine, c’est sa propre histoire qu’il a écrit et non plus celle que ses parents lui racontent depuis 50 ans.

LE RESUMER EN IMAGES :

Charly RAMPAL sur des informations de Manuel De Montrémy