12 HEURES DE SEBRING 1952 ET 1953 : LE JARDIN DES DB

1952

En ce début de décennie des années cinquante, se développe aux Etats-Unis un mouvement en faveur de la voiture de sport. Pour lui donner encore plus d’ampleur, une poignée de sportifs à la tête desquels on note Ulmann, Président de la commission sportive de l’A.A.A., et Briggs Cunnigham qui participa ces dernières années aux 24h du Mans, a décidé de faire courir une épreuve d’endurance de 12 heures, qui s’est déroulé le 15 mars 1952 à Sebring, au centre de la Floride sur un circuit d’un développement de 8km 500.

Briggs Cunningham, ayant remarqué au Mans l’excellente tenue des voitures françaises de petite cylindrée, a demandé à DB-Panhard de participer à l’épreuve.
C’est pourquoi, le 26 février, René Bonnet, animateur de la marque DB, a quitté la France à destination des Etats-Unis. Il avait été précédé par 3 DB-Panhard, dont une est destinée à Cunningham, qui ouvrira le circuit à bord de cette voiture.

La France est ainsi présente à une manifestation qui a passionné le public américain. Cette présence est due sans doute à la valeur des voitures en question, mais elle n’a pu être réalisée que grâce à l’appui efficace d’un sportif français : M. Jeudy, propriétaire des soupapes qui portent son nom, qui a apporté à René Bonnet les moyens de rallier l’Amérique pour y faire flotter le drapeau national. Cette participation fera date dans l’histoire de la marque DB.

Ci-dessous, au départ des 3 DB pour la Floride, voici devant l’Action Automobile de droite à gauchie : Jeudy, Bonnet, Le Grain, Paul Panhard, Deutsch, Mollat du Jourdain, Mms Bonnet et Jeudt et, derrière elles, J-P Marchal.

C’est donc lors de cette première épreuve d’endurance aux Etats-Unis qui allait donner ses lettres de noblesse à la petite marque de Champigny sur ce sol encore sous le charme du libérateur Lafayette.

C’est au volant d’une barquette type Le Mans de 750cmc que l’équipage Bonnet / Cook remporte l’indice de performance à ces 12 Heures de Sebring , point de départ d’une longue lignée.

Cette brillante victoire est aussi un précieux encouragement qui met en évidence, outre-Atlantique, l’industrie française tout entière.

Panhard, qui motorise cette voiture aura aussi sa légitime fierté de ce succès.
Il prend d’ailleurs une saveur particulière du fait qu’il vient une demi-siècle après le succès de la marque en Amérique, dans la 1ère Coupe Vanderbilt, que remporta Heath, sur Panhard, à la moyenne de 83,600 km, sur 487 km : un exploit !

En enlevant le classement à l’indice de performance, Bonnet a couvert 1.129,800 km, alors que les premiers au classement à la distance, avec leur Fraser-Nash de 1.971 cmc, ont parcouru 1.213,550 km, soir 84 km de plus : un autre exploit !

1953

Cette année là, après leur victoire de l’année précédente, l’équipe DB verra le nombre de leurs sponsors, comme on dit aujourd’hui, augmenter. C’est ainsi que l’ACF, l’ACO et le magazine automobile L’Action (AAT) décidèrent d’aider matériellement la petite équipe de Champigny à traverser l’Atlantique. Les sponsors d’hier étant quant à eux toujours bien présents : Jeudy et Marchal en particulier.

Devant la relative facile victoire de l’an dernier, a entrainé une modification des bases de calcul : la moyenne horaire prise en compte pour les DB passe de 90 km/h à 99,700 km/h.

La stratégie est donc à revoir dans le sens où la mécanique devra être beaucoup plus sollicitée pour atteindre les moyennes imposées et devra être conjuguée à une consommation logiquement plus élevée.

A côté de ça, le nombreux de participants a presque doublé. Deux barquettes de l’an dernier sont restées sur place. L’une sera aux mains de Cook / Moynet et l’autre pilotée par Bonnet / Morehouse.
Si la première sera disqualifiée au 130ème tour pour non respect du règlement dans l’arrivée au stand, alors qu’elle était deuxième à l’indice, celle de Bonnet / Worehouse remporte une nouvelle fois le challenge. Signalons que la petit DB finit 11ème à la distance après avoir parcouru 1.196 km.

Notons la première apparition du coupé Frua aux mains de Cahier / Collier qui abandonnera à la 4ème heure à cause d’une sortie de route qui endommagera son circuit de freinage. Cette voiture était équipée d’un 750 avec compresseur.

Ci-dessous la DB-FRUA avant la course entourée de gauche à droite par Bernard Cahier, André Moynet, le mécano Guilpin et René Bonnet.

Ecoutons le récit de sa course raconté par René Bonnet lui-même :
« J’ai obtenu, avec mon coéquipier Wade Morehouse, un succès que quelques heures avant le départ nous désespérions de pouvoir obtenir.

C’est que, dès les premiers essais, la tâche nous était apparue infiniment plus pénible que lors de l’épreuve disputée l’an dernier à pareille époque.
Ceci pour plusieurs raisons :
L’une des principales fut la quantité des concurrents aux prises et surtout leur qualité. Les voitures engagées, tant américaines qu’européennes étaient, en effet, d’une classe indéniable et pilotées par des champions véritables, tels : Fitch, Abécassis, Collins, Duke,…
Par ailleurs, les circonstances atmosphériques furent peu favorables, en ce sens que l’épreuve se déroula par une chaleur intense, soumettant à un régime très pénible les divers organes des voitures, et notamment des pneus.
Sur ce circuit difficile, absolument plat, avec 1.400 m de ligne droite seulement et des virages à très grande courbe qu’on peut prendre très rapidement – ce qui augmente le danger – les pneumatiques furent soumis à une épreuve infernale. S’il nous fallut, dans ces 12 Heures, remplacer une fois nos bandages, nous avons vu certains concurrents en changer 3 ou 4 fois !

Ce travail imposé ainsi aux voitures apparaît considérable et donne encore plus de prix à notre victoire, ainsi qu’à celle du champion américain Fitch, qui l’emporta à la distance à bord d’une Cunningham.

A mi-course, le lutte apparaissait très serrée et personne ne pouvait dire qui l’emporterait.
Il y avait en effet, quatre concurrents dans « un mouchoir » : Aston-Martin, Cunningham, DB et OSCA.

Précisons encore que pour le classement à l’indice, cette année, avait prévu pour les petites cylindrées, un coefficient plus élevé, alors qu’il avait en revanche diminué celui des voitures de grosse cylindrée.

Nous étions ainsi dans des conditions les plus difficiles pour vaincre une très forte coalisation et nous nous réjouissons d’avoir pu y parvenir avec le concours de tous.

En terminant, je dois un grand merci à mon ami Cook, représentant de nos Panhard DB aux Etats-Unis qui se dévoua sans compter pour faciliter notre séjour aux USA avec le concours de Cunningham.
Je dois aussi remercier Ulmann, Directeur de la course, puis notre charmant compatriote René Dreyfus qui sut, en toutes circonstances, nous apporter l’appui de sa présence et de son amitié.
On parle pour l’an prochain de transformer ces 12 Heures en 24 Heures : je n’y vois pour ma part, aucun inconvénient. Si toutefois, le Sport Car-Club of América, organisateur, devait conserver sa formule des 12 Heures, nous lui conseillons de faire en sorte que le départ ait lieu vers 5 ou 6 heures du matin, et que l’arrivée se situe ainsi vers 17 ou 19 heures.
Le spectacle y gagnera, le public sera plus nombreux et la recette plus importante et ainsi nos amis américains pourront donner des prix en espèces qui seront les bienvenus parce qu’ils nous permettront de rentrer dans une partie des frais considérables qu’occasionne une participation à une telle épreuve. »

Charly RAMPAL