Pratiquement ignoré de nous autres panhardistes, Fernand Charron n’en pas été pour le moins un homme clé dans l’histoire de Panhard et Levassor.

Sa carrière de Panhardiste n’a duré que 5 ans, avant de devenir lui-même constructeur automobile, mais il aura marqué fortement le début de l’aventure automobile !

Premier véritable concessionnaire de la marque dès 1897, il a aussi couru sur des voitures de la marque et remporté des succès notable.

Pilote, champion cycliste et hippique, vendeur de voitures mais aussi très créatif.
Alors, qui êtes-vous vraiment Fernand Charron ?

UN SPORTIF ACCOMPLI

Ferdinand (dit Fernand) Charron est né à Angers en 1866. Très jeune, il se passionne pour la bicyclette, et à l’âge de 15 ans, en 1882, il gagne déjà sa première course cycliste.

Il est très fier lorsqu’’on lui remet le premier prix : deux francs cinquante et un poulet vivant ! En 1886 et 1887, il remporte le GP d’Angers cycliste, et en 1888, vient s’établir dans la capitale.
En 1891, il a à son actif trois des quatre championnats de France ainsi que le record du monde des 100 kilomètres sur piste avec entraîneur.

Il ne se contente pas du vélo : il court aussi sur tricycle, et le cheval le passionne aussi !
Devenu rapidement propriétaire d’une écurie de course, il n’hésite pas à monter lui-même, souvent revêtu de sa casaque cerise à pois blancs de coureur cycliste, ce qui, bien sûr, le rend vite célèbre sur les champs de course !

Vers la même époque, il est nommé directeur des cycles Rudge, puis Adolphe Clément lui confie la direction de son magasin de vente, situé rue des Quatre Septembre.

Avec Clément, il est une des chevilles ouvrières de la construction du Vélodrome de la Seine, inauguré en 1893.

SUCCES EN COMPTETITION

Suite logique de ses passions, il s’intéresse très tôt à l’automobile naissante.

Le 24 juillet 1897, il participe à sa première course : Paris / Dieppe.

Il est au volant d’une Panhard et Levassor 6 HP et termine 4ème.

A Paris / Trouville, au mois d’août, il se classe 12ème.

Cette même année, il s’associe avec deux autres pilotes qu’il avait connus dans le milieu du cyclisme : Léonce Girardot et Emile Voigt, et ouvre l’Agence Générale de vente au 2 rue Brunel, dans la 17ème arrondissement, au coin de l’avenue de la Grand Armée, pratiquement l’une des premières, sinon, la première concession automobile au monde.

Bientôt, un beau salon d’exposition est inauguré au 45 avenue de la Grande Armée.

Continuant à courir sur les voitures de la marque, Fernand Charron remporte en mars 1898 la première course Marseille / Nice sur une 6 HP, et la première course internationale (Paris / Amsterdam) qui a lieu du 7 au 13 juillet suivants, cette fois sur une 8 HP.

En 1899, il est second à la course Nice / Castellane / Nice, puis vainqueur à Paris / Bordeaux (le 24 mai) sur une 12 HP,

et devant quatre autres Panhard et Levassor, mais s doit abandonner au Tour de France au mois de juillet, où l’on retrouve aussi quatre Panhard et Levassor aux premières places.

A ce sujet, une histoire assez cocasse a circulé à l’époque : il avait cassé une cage de roulement de la boite de vitesses au Mans, et, espérant pouvoir effectuer la réparation à Alençon, il fit cinquante kilomètres… en marche arrière ! Avec l’aide d’Adolphe Clément, il forgea une nouvelle pièce et continua, pour hélas retomber en panne de boite un peu plus loin, et cette fois définitivement !

Son dernier grand succès au volant d’une PL est la première Coupe Gordon-Bennett, qui eut lieu le 14 juin 1900, sur un parcours de 566 km entre Paris et Lyon.

Cette distance fut parcourue par sa 24 HP en 9 heures, 9 minutes et 49 secondes, soit à la moyenne tout à fait respectable de 62,107 km/h.

Il est suivi par son associé Léonce Girardot.

Cette même année 1900, il a pris part au circuit du Sud-Ouest (25 février) où il a dû abandonner, puis à la course Nice / Marseille (le 26 mars), où il s’est classé 3ème.

Enfin, le 29 mai 1901, il engage sa puissante 40 HP dans le Paris / Bordeaux, mais doit hélas abandonner.

FERNAND CHARRON S’EMANCIPE

En 1901, associé à ses amis Léonce Girardot et Emile Voigt, Fernand Charron se lance dans la construction automobile et fonde la marque CGV (des initiales des trois associés).

Le premier modèle commercialisé est une quatre cylindres à transmission par chaines dont la construction est très inspirée par la technique Panhard…

Avenue d’Ivry, on apprécie pet cette initiative, et les associés sont accusés de vendre des voitures de la marque en changeant simplement les chapeaux de roue..

Ce litige se terminera devant les tribunaux.

La dernière Panhard et Levassor vendue par l’Agence Générale a été livrée au mois de février 1902.
La suite ne concerne évidemment plus la marque doyenne.

La première CGV, une 16cv présentée à l’occasion du salon de l’Automobile en 1901, mais commercialisée en 1902, s’inspire donc des Panhard, par rapport auxquelles elle peut faire valoir quelques améliorations : elle est nettement plus basse, ce qui est tout bénéfice pour le centre de gravité, et profite d’une suspension plus souple grâce au ressort transversal ajouté à l’arrière.

Dès le début, la CGV fait parler d’elle, d’abord en mettant au point une auto-mitrailleuse, dès 1902, expérience qui restera sans suite, puis en exposant, au Salon la même année, un châssis à 8 cylindres de 7,2 litres, servi par une boite à deux vitesses, qui ne rencontrera pas un grand succès.

Il est vrai que cette boite, dont la première très courte ne sert pratiquement qu’à démarrer, est présentée comme si simple que la voiture est considérée par beaucoup de chroniqueurs de l’époque comme étant « sans changement de vitesses ».

Malheureusement, cette voiture se révèlera trop lourde et trop lent pour être attractive.

En 1906, la société CGV est cédée à un groupe anglais qui s’appelle désormais « Charron Ltd ».

Ses anciens associés, Girardot et Voigt, ne l’ont pas suivi. Girardot parce qu’l a décidé de fonder sa propre société (GEM), et Emile Voigt, parce qu’il dirige la succursale américaine de CGV, qui importe désormais les Charron.

En 1909, Charron épouse la fille cadette d’Adolphe Clément, mais il est contraint d’abandonner Charron Ltd : en effet son beau-père lui demande de reprendre la direction de la marque Clément-Bayard, pendant que lui-même s’occupe de la fabrication de ballons dirigeables.

Deux ans plus tard, les rapports entre Charron et son beau-père s’étant sérieusement dégradés, il décide de quitter Clément-Bayard pour redevenir constructeur indépendant.

Il s’installe alors dans une usine à Courbevoie et fonde la société ALDA.

Pendant la guerre, les usines ALDA doivent évidemment travailler pour le Ministère de la Guerre.
Fernand Charron importe aussi des camions américains.

Malheureusement, la marque qu’il a créé ne parviendra pas à s’imposer, face aux constructeurs qui adoptent la fabrication en grande série.

En 1922, Charron doit mettre la clé sous la porte, et l’usine est vendue aux frères Farman, qui y construiront leurs belles voitures.

La société Charron tiendra quelques années de plus, mais elle disparaitra à son tour en 1930.
Quant à Fernand Charron, qui avait gardé son magasin d’exposition aux Champs-Elysées, il avait pris dès 1920 le panonceau Citroën, et il poursuivra son activité de vente jusqu’à son décès, en 1928 à Maison-Laffite.

Il est inhumé à Angers.

Charly RAMPAL

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