André Guilhaudin avait eu l'occasion de piloter en rallye des DKW Junior dont il pensait le plus grand bien. En 750 cm3, comme en 900 , il avait été impressionné par les performances malgré une carrosserie fort peu aérodynamique. Mais le moteur et la boite de vitesses avaient toujours "encaissé" sans sourciller les plus mauvais traitements.

Un ombre au tableau : les freins. Or au dernier Salon de Bruxelles, Auto-Union présenta la DKW F12 qui dispose de freins à disques à l’avant.

Le choix s’arrêtera donc sur le châssis de F12, point de départ de cette nouvelle aventure des duettistes : GUILHAUDIN et BERTAUT.

Pour le reste ce ne fut que patience et coopération d’amis précieux, sans lesquels l’opération eut capoté.

ACCORD DE L’USINE

C’est grâce à Jean BERNARDET (un des plus grands journalistes de l’Automobile et garant de la mémoire des compétitions de l’époque) qui devait se rendre à Ingolstadt, Siège d’Auto-Union, fut mandaté par André pour prendre les premiers contacts avec le service technique de l’usine pour leur proposer une participation aux 24 Heures du Mans.

L’axe principal était donc très clair, Jean BERNARDET revint porteur d’espoir, puisqu’il lui fut demandé de mettre noir sur blanc les détails techniques du programme.

En fait l’Usine était prête à fournir le châssis F12 avec moteur et boite, et même à financer la réalisation de la carrosserie. Les autres problèmes restant à la charge du duo de choc : pas mal, non ?

La carrosserie et l’adaptation du moteur à cette épreuve étaient les points de départ de ces problèmes.

Mais connaissant les qualités, l’esprit de compétition et de recherche de l’aréopage des techniciens de Charles DEUTSCH (BERTIN pour le moteur et ROMANI pour la carrosserie) il ne fallu pas longtemps pour les convaincre.

L’affaire était donc lancée, mais le nerf de la guerre manquait encore…

André, agent Mercédes à Chambéry, pensa tout d’abord aller frapper à la porte des établissements Delecroix, importateur en France de Mercédes, Auto-Union, Jaguar et Lotus. L’accueil fut disons … réservé, mais compréhensif. Comme quoi… enfin.

Par contre, gros intérêt de la part de Cibié, de BP grâce à Plantivaux (un ancien pilote Panhard) qui plaida en leur faveur, de l’Aluminium Français et à Michelin qui leur assura du meilleur concours technique.

Manquait à ce stade une entreprise pour réaliser la carrosserie que CD allait étudier.

C’est André qui trouva à Grenoble l’homme providentiel, mais aussi charmant et qualifié, M. CHALMETTE.

LE PROJET PREND FORME

Les ingrédients étaient rassemblés pour que la sauce prenne : une réunion au sommet s’imposait pour mettre à plat et en commun le travail qu’il y avait à faire.

Les croquis de la carrosserie avec ses couples étaient terminée :

Du beau monde : Charles DEUTSCH, ROMANI, CHOULET ( qui se chargera de la tenue de route), TRUBSBACH (chef de service compétition d’Auto-Union), MANTZEL (Ingénieur conseil chez Auto-Union et spécialiste de l’amélioration des moteurs DKW).

Nous étions fin Mars.

Fort des améliorations indispensables à apporter au châssis, BERTAUT et GUILHAUDIN partirent pour Ingolstadt.

Là, quelle ne fut pas leur surprise de constater qu’un châssis avait été préparé sur l’intervention efficace de M. SCHMELZ : éléments allégés, voie arrière réduite comme il avait été demandée. Mais d’autres modifications, petites mais nombreuses, restaient à faire sur lesquelles nos deux amis pouvaient se charger.

Huit jours plus tard, André revenait avec une remorque pour prendre livraison du châssis en l’état et le ramener à Grenoble.

Pendant ce temps, l’étude de la carrosserie avait fait son chemin et M. CHALMETTE pouvait commencer à découper ses gabarits en contreplaqué, puis sur l’intervention de Charles DEUTSCH, il reçut livraison des feuilles d’aluminium.

Le projet prenait forme quand le 7 avril, les premiers essais sur le circuit du Mans mettaient les acteurs en action et particulièrement les rivaux directs de la CD-DKW : René BONNET et Jean REDELE (R.B. et ALPINE).

La pauvre voiture était encore en kit, le moteur au stade du montage, les boites de vitesses (à cinq rapports tous synchronisés) ) l’étude chez ZF.

Vers le milieu du mois d’avril, nos compères se rendirent avec Jean Bernardet chez le carrossier à Grenoble pour mettre au point les derniers détails dont André avait la charge : renfort de certains endroits du châssis, emplacement des attaches de carrosserie, amélioration du poste de conduite (l’usine ayant eu la bonne idée de fournir une conduite à droite), construction de la commande de boite (levier au plancher), installation des pédales, etc…

Dans cette tache, André sera aidé par Pierre GELE. Ce dernier, Ingénieur en électromécanique, était comme lui, concessionnaire Mercédes à Tarbes, mais également très bon pilote (on le verra sur DKW). C’est lui qui se chargera de la mise en place des commandes et de l’ajustage de la carrosserie sur le châssis.

Notez le total dégagement de la mécanique héritage de l’esprit Panhard.

D’autre part, Charles DEUTSCH et Robert CHOULET venaient de temps à autre rendre visite à M. CHALMETTE pour suivre de très près la matérialisation de leurs idées. Il fallait être Savoyard pour garder un calme serein… !

L’ENFANT EST NE

Mais au fait, quelle était cette DKW expérimentale née de tant de créateurs de génie ?

Une berlinette, très basse et très profilée qui ressemble d’assez près à la Panhard-CD (les chats ne font pas des chiens!).

Mais des différences sont à noter au niveau de la carrosserie qui doit se traduire par un meilleur coefficient de pénétration.

De la Panhard, on retrouve les projecteurs Cibié rectangulaires, le pare-brise, les sièges baquets, le volant (ce volant qu’André a voulu garder en souvenir…).

La mécanique était totalement différente, là s’arrête toute ressemblance.

3 cylindres deux temps, sur lequel MANTZEL avait fait du beau travail. Le ramenant à 700 cm3, il avait tiré 70ch (60 sur la Panhard-CD de 62) à 7500 t/mn.

Le profilage de l’avant a nécessité l’adoption de deux radiateurs séparés de faible hauteur ce qui a posé de sérieux problèmes d’écoulement de l’air sous le capot et la circulation de l’eau de refroidissement.

La boite ZF a un carter de série dans lequel une cinquième vitesse a été rajoutée. L’étude des rapports a été faite par Mantzel en tenant compte à la fois des particularités du circuit et de la courbe de puissance du moteur.

La suspension avant est celle de la voiture de série : levier triangulé, barres de torsion longitudinales et barre stabilisatrice. Pour l’arrière, une barre de torsion et barre Panhard.

Le châssis constitué d’un cadre à caissons dont la rigidité relative obligera à rajouter une traverse supplémentaire un peu en arrière des sièges et un tube médian légèrement décalé par rapport à l’axe longitudinal de la voiture.

Le poids de la voiture est de 577 kg.

Les premiers essais eurent lieu sur les routes allemandes : trois moteurs et deux boites seront préparées pour les essais du mois de juin au Mans.

Le problème majeur restera la consommation propre aux moteurs deux temps. Le réservoir limité réglementairement à 70 litres risque d’obliger la CD-DKW à ravitailler plus souvent que ses rivales, tout en respectant le nombre de tours minimum entre deux ravitaillements de lubrifiant : 25, soit 336 km.

Aux essais, la voiture va bien et atteint les 230 km/h sur la ligne droite des Hunaudières. De loin plus rapide que les René Bonnet 850. Ce dernier, vexé, fit monter pour la course des 1000 pour rester dans le coup!

16H03 : LE DRAME

Samedi 16 H : la CD-DKW, argent (couleur de l’Allemagne), barrée des bandes tricolores et arborant le numéro 56, prend un très bon départ aux mains d’André GUILHAUDIN.

Pourtant l’équipe redoutait tout particulièrement les premières secondes de course, car il était fort aisé de noyer le tout et de rester bêtement planté sur place!

Mais contrairement à toute attente, GUILHAUDIN fit un départ fantastique, se frayant un chemin parmi les grands rivaux du moment, et à l’amorce du premier virage il avait déjà pris le large.

Si bien qu’à Mulsanne, dans le premier tour, il était collé juste derrière les » grosses ».

Cela ne lui portera pas chance.

Déjà Arnage, c’est le drame. La belle aventure va s’arrêter brutalement sur les traînées d’essence laissées par les concurrents qui le précédaient.

A l’époque, les réservoirs « aviation » n’existaient pas.

André dérapa, quitta la piste, et se retrouva sur un tas de sable, la voiture intacte.

Comme il était impossible à André de se désensabler sans aide extérieure, celle-ci étant par ailleurs totalement interdite, il fut irrémédiablement éliminé.

C’est l’abandon sans même avoir pu boucler le premier tour…

Les espoirs de réaliser une grande performance étaient terminés sans même avoir commencé …

Mais André GUILHAUDIN n’en démord pas pour autant : il repart en Allemagne, obtenant de la part de DKW la fourniture d’un moteur de 1000 cm3 pour les 12 Heures d Reims, qui fut toujours la revanche des 24H.

Dès les essais de l’épreuve, la vitesse de 250 km/h en ligne droite fut atteinte : fantastique !

Hélas, l’aérodynamique outrepassait les possibilités du moteur, et celui-ci ne résista pas au choc : au bout de deux tours, tout était terminé, Alain Bertaut n’ayant jamais eu le loisir de s’installer au volant …

Pour se consoler, ils se dirent qu’ils étaient dans une période de transition et que grandes performances étaient donc pour l’avenir…

Aujourd’hui, il semble que l’on ait perdu sa trace. On la pensait au Musée d’Ingolstadt, mais il n’en est rien. Serge Macé a été personnellement au musée il y a quelques années , il a rencontré les personnes qui s’occupent du musée et ceux-ci ne connaissent pas du tout la voiture et évidemment ne savent rien sur sa possible localisation.

CHARLY RAMPAL