GILBERT POUGENQ : LE PAPY DU V.E.C.
C’est le 22 septembre 1990 que Gilbert Pougenq a quitté ses petits camarades avec lesquels il jouait aux Véhicules d’Epoque et de Compétition.
Il était né 1918 et c’est donc à 72 ans qu’il a définitivement laissé son Monomill blanc et son coupé Salmson.
Je ne vais pas vous raconter sa vie familiale, ni professionnelle, car je ne la connais pas, mais quelques mots sur le pilotes que j’ai eu le bonheur de côtoyer sur la piste, mais aussi parce qu’aujourd’hui, je pilote son célèbre Monomill, afin de poursuivre sa légende et faire que Gilbert hante encore nos plateaux.
Dans les années quatre-vingts quand nous avons commencé à nous rassembler sur les pistes pour que vivent ces véhicules de compétition d’une autre époque, Gilbert Pougenq était le doyen des pilotes.
Très vite, il a été aimé et admiré. De stature imposante avec ses 1 m 80, il était le Major Thomson du V.E.C. avec son abondante chevelure blanche bien lissée et sa fine moustache à la Graham Hill.
Ce parisien du 15ème était avant tout un fin pilote dans le style gentleman driver qui connaissait ses limites et celles de ses montures.
Je ne l’ai jamais vu faire un tête à queue, ni manquer de respectait envers ses adversaires par des manœuvres suicidaires.
C’était un personnage hors du commun qui transpirait la gentillesse et la bonne éducation.
Il était passionné de compétition et vouait une adoration pour son Monomill qui affichait et affiche encore les stickers balisant son parcours en compétition.
Ce pilote de légende était apprécié de tous, des organisateurs aux pilotes en passant par les spectateurs.
Reconnaissable entre tous, il drainait involontairement tous les pilotes derrière son panache blanc, malgré une discrétion dont beaucoup aujourd’hui devrait s’inspirer.
Pourtant dès qu’il entrait dans la salle de briefing, à la remise des prix ou en pré-grille, il attirait le regard par sa classe et une attitude chevaleresque qui engendre le respect.
Il était le symbole de ce que devrait être le véritable esprit V.E.C. : plaisir de courir avec la voiture qu’on aime au milieu d’amis qui partagent la même passion.
Point de course, point de tricherie, un simple moteur « Tigre », un train de pneus neufs de temps en temps.
Il déplorait l’évolution des courses vers des voitures trop récentes : à cette époque 70% sont postérieures à 1960 !
« Hier, c’était bien, aujourd’hui, c’est autre chose… mais cela reste encore bien « disait-il avec un brin d’amertume.
Il a connu toute l’évolution V.E.C..
Pensez donc, 21 saisons de courses !
Il commença à courir en 1969 avec sa Salmson 2300S, comme ici au rallye Lyon-Charbonnières de 1979 :
Depuis cette date, il n’a pratiquement jamais manqué une épreuve.
Il se déplaçait également à l’étranger : Berlin, Monza, Nurburgring,…
C’est en 1976 qu’il achète le Monomill, un vrai, un pur, un tatoué qui porte le n° de châssis 526 qui fut l’un des 22 construits par Bonnet, dont le palmarès à l’époque fut entre autres :
– le Grand Prix de Caen en 1954
– le Grand Prix de Dakar en 1955
– Le circuit des Remparts d’Angoulèmes en 1955 …
Elle fut revendue à la fin de la saison 1955, plusieurs fois accidentée et reconstruite.
Quand , Gilbert Pougenq l’acquiert, il s’empressa de la faire homologuer pour obtenir le P.T.H., fameux sésame qui lui ouvrait les portes du V.E.C..
Un P.T.H. d’origine que je soumets encore aujourd’hui aux contrôleurs technique de la FFSA ou de la FIA pour courir en Angleterre comme je le fais et n’en croient pas leurs yeux !
Il peut enfin concrétiser son rêve qui le conduit ainsi naturellement vers les circuits et les courses de côte.
La Salmson était réservée pour les rallies.
Ainsi, il écuma toutes les courses V.E.C. dans les années quatre-vingts cumulant involontairement les points que l’ASAVE attribuait pour être toujours en tête des Panhard au classement , comme en 1989 où il avait atteint le chiffre de 13 pts en 6 épreuves, s’octroyant la 33ème place au championnat de France.
La saison 1990 débutait au Castelet, Gilbert Pougenq est bien décidé à faire au moins aussi bien que l’an dernier.
On le voit ci-dessous autour de son Monomill grâce aux photos prises par Honoré Durand :
Il ne laissait à personne le soin de préparer lui-même sa monture sous les yeux admiratifs de quelques « petits jeunes » :
En route pour la prè-grille avec à ses côtés le DB de Formule 1 piloté par Kiki Lumbroso et chevauché par Yolande, sa femme :
puis ce sera la course de côte de Savigny les Beaunes, mais l’aventure va se terminer après Croix en Ternois.
Une saison que je vous résumé en compilant des extraits de films d’époque en ma possession (filmographie de votre serviteur et Serge Mace) sous forme d’une vidéo que je vous soumets ci-après et dans laquelle je vous présente aussi son Monomill :
Il était en pleine forme comme vous pourrez le constater et espérait continuer longtemps : 72 ans bon sang, ce n’est pas vieux !
Depuis, les courses de Monomill, moteur avant, n’eurent plus la même saveur pour ceux qui avait partagé la pré-grille avec lui.
Gilbert Pougenq a marqué notre petit monde du V.E.C. et c’est pour tout ce qu’il représentait en qualité humaine et sportive qu’Honoré Durand n’a pas hésité à racheter son Monomill pour qu’il ne parte pas à l’étranger, mais pour qu’il reste dans « sa famille » : celui des Vécéistes.
Mais, plus encore, Honoré ne voulait pas qu’il se morfonde et se couvre de la poussière de l’oubli au fond d’un hangar de collectionneur.
Une exposition comme à Rétromobile en 2011 sur le stand de l’Amicale DB, lui a rendu un hommage bien mérité.
Mais il n’était pas assez beau pour être soumis aux feux de la rampe : la piste est son vrai terrain, là où ses rides s’estompent, là où il pourra s’exprimer encore.
Honoré Durand l’avait compris et avec le grand cœur qui le caractérise, Honoré a souhaité le revoir sur la piste dans l’état extérieur que Gilbert Pougenq l’avait laissé, pour qu’il soit encore parmi nous.
C’est pourquoi il me la confié, moi qui l’avait bien connu, et c’est avec un immense honneur et un grand bonheur que je le conduis.
Juste retour des choses, je lui devais bien un article pour que vive sa mémoire et qu’un jour les enfants, au hasard d’une balade sur la toile, sachent quel personnage attachant Gilbert Pougenq était.
Charly RAMPAL (Photos de Gilbert Pougenq au Castelet sont d’Honoré Durand, Extraits de film : Charly Rampal et Serge Mace)
Rappel : pour agrandir les photos, cliquez dessus, pour revenir au texte, cliquez sur la flèche du retour en haut et à gauche.