Les constructeurs des temps anciens n’ont vu d’abord l’automobile qu’à travers le vélocipède ! Erreur grave.

Erreur que Panhard a d’abord commise puis rectifiée tout de suite, dès 1893, en montrant au monde que l’avenir voulait, non tant des cycles qui roulent tout seuls que de véritables voitures, des voitures qui nécessitaient un mécanisme qui leur fût entièrement propre.

Aussi, peu à peu, verrons-nous une carrosserie dans laquelle on avait accroché un moteur et de la mécanique, ainsi qu’on le pratiquait avant 1885, ou fait d’un moteur et de mécanique qu’on recouvrait vaille que vaille d’une caisse, ainsi qu’on l’institua à partir de cette même date, l’aspect extérieur du véhicule automoteur ne changea guère jusqu’en 1905, et que la « hideur des formes » révolta longtemps les gens de goût.

Mais du moins avait-on dès 1885 conscience de la nécessité d’un ensemble mécanique, de l’obligation de fondations pour une automobile.

On tenait enfin le progrès par un bon bout.

Mais que serait cette révolution du déplacement sans le moteur Daimler ?

GOTTLIEB DAIMLER

Gottlieb Daimler est né à Schoëndorf, dans le Wurtemberg, le 17 mars 1834. Son père, qui était lui-même mécanicien, lui fit donner une solide instruction.

On suit en effet le jeune homme de 1853 à 1856 à la Manufacture d’armes de Graffenstaden en Alsace ; puis de 1857 à 1859 à l’Ecole polytechnique de Stuttgart.

En 1860, il retourne à Graffenstaden, puis s’en va deux ans en Angleterre, à Manchester, dans une usine qui fabrique des locomotives.

Enfin, nous le retrouvons, revenu en Allemagne, chef des ateliers Otto et Langen qui construisent des moteurs à gaz dérivés du type de Lenoir.

Le monde des « moteurs tonnants » était donc familier à Daimler en 1884, quand, attiré par l’avenir considérable qu’il entrevoyait pour eux, il entreprit de les perfectionner et, pour ce faire, créa une société.

Ses brevets concernant l’automobile sont au nombre de huit.

Il serait bon de les analyser.

Le principal est celui du 27 décembre 1886 concernant des véhicules à roues mus par un moteur à gaz ou à pétrole : omnibus sur rails, moteur à un cylindre placé au milieu du véhicule.

Quelle était au juste la valeur des brevets Daimler ? Il est assez difficile d’en juger, mais il semble qu’intrinsèquement elle ait été fort petite.

Un des meilleurs journalistes de l’automobile, Gaston Sencier, aujourd’hui décédé, racontait à leur sujet, dans la Locomotion Automobile de 1899, ceci :

« J’étais, il y a quelques années, ingénieur de la maison Rouan frères et Cie. Un jour on vint lui proposer les brevets Daimler. La maison les refusa. Peu après M. Karfd, le très savant ingénieur en chef de la Société Cockerill, me pria de l’accompagner dans une brasserie où il avait rendez-vous avec un ami.

Or, cet ami était Levassor, que je ne connaissais pas.

Il nous présenta. Levassor et moi sortions de l’Ecole centrale.

Nous fûmes vite amis.

Quelques jours plus tard, on apprenait chez Rouard que la maison Panhard et Levassor se mettait à construire ces moteurs Daimler dont personne n’avait voulu. On en fit des gorges chaudes. »

Il serait sans intérêt aujourd’hui d’entrer dans le détail des négociations qui amenèrent Levassor à acheter pour la maison où s’il était associé aux brevets en question.

Lors de l’Exposition universelle de 1889, Daimler avait quitté Otto et Langen depuis quatre ans ; il était secondé déjà par un homme qui, lui aussi, devait bientôt devenir un des grands promoteurs de notre industrie, Maybach, le dessinateur futur de la fameuse Mercédès de 1902, le metteur au point plus tard des zeppelins, l’inventeur du duralumin, etc.

A la surprise et, on peut dire, à l’admiration de tous les ingénieurs mécaniciens de l’époque, Daimler exposait : un quadricycle à un cylindre, deux canots à pétrole et, le long du Cours-la-Reine, un petit tramway, bondé de curieux, qui circulait sans jamais d’arrêts (on montait en marche) !

Tous ces moteurs fonctionnaient fort bien. Levassor, qui entrevoyait l’avenir de la locomotion routière et entendait tout d’abord n’entreprendre la fabrication que du moteur, acheta les brevets non pour leur nouveauté, mais pour la mise au point achevée des appareils qu’ils concernaient.

Et puis, une grande amitié n’avait pas tardé à s’établir entre les deux hommes qu’animait une même espérance.

Nous verrons bientôt que Levassor avait agi là avec une très nette prévision de l’avenir.

Le temps était venu où la fabrication des automobiles devait cesser de tâtonner comme elle le faisait depuis son origine très lointaine, d’établir des véhicules de fortune ou d’infortune pour de rares intrépides.

Il fallait qu’elle se décidât enfin à affronter le public, à faire l’apprentissage des réactions de la clientèle, à tirer d’elle des enseignements.

Levassor, se riant lui-même des « gorges chaudes », partait bon premier dans l’industrie automobile vraiment digne de ce nom, et du coup il donnait à sa maison une place de tête qu’elle a su toujours conserver.

Ainsi lancée brillamment et rapidement dans la locomotion routière, la maison Panhard et Levassor d’ailleurs ne tarda pas à ne tirer plus sa renommée que du mérite de ses propres conceptions.

Paris-Rouen et Paris-Bordeaux-Paris allaient tout de suite le démontrer.

Ce sera le point de départ de toute son histoire que je vous relate au fil de mes articles hebdomadaires.

Voilà ce que Panhard en fit : une des premières publicités de la Maison « Panhard et Levassor ».

Charly RAMPAL (D’après mes archives Panhard que je vous « traduits » avec le langage et les mots de l’époque pour coller un peu plus à l’authentique)