PANHARD ET L’AERODYNAMIQUE
Après la 2eme Guerre Mondiale, récupéré par le plan Pons, Panhard a du abandonner la production de ses voitures de Luxe de « l’ancien temps » et se cantonner à produire une petite voiture populaire : la Dyna X.
Toujours à la pointe de l’innovation, notre marque devait réaliser « autre chose » que les productions courantes des années 50/60 : lourdes, pataudes et classiques.
Ses ingénieurs avaient bien compris que pour être performant, économique et rapide, il fallait compiler les trois facteurs suivants : rendement mécanique, légèreté et aérodynamisme qui seront le triptyque gagnant en compétition.
TROIS PARAMETRES FONDAMENTAUX
1 – La masse :
La masse intervient dans trois des quatre résistances à l’avancement.
Il convient donc avant tout de minimiser les masses des systèmes de transport pour minimiser leur consommation énergétique.
La conception légère peut être approchée de deux manières : faire des éléphants moins lourds (c’est ce qu’essayent de faire les constructeurs automobiles avec une masse moyenne des voitures quatre places de 1200 kg à vide !) ou arrêter définitivement de faire des éléphants et commencer à faire des gazelles.
Coupons immédiatement court à une idée reçue bien répandue partout : ce n’est pas l’amélioration technologique qui décide de la qualité massique d’une automobile, mais beaucoup plus la qualité des ingénieurs/dessinateurs en charge du projet = le bureau des études Panhard.
2 – Adapter la propulsion :
L’adaptation du moteur au véhicule, donc à la mission, permet de le faire travailler au mieux. Point besoin de 100 kW lourds là ou 20 kW légers suffisent
3 – Soigner l’aérodynamisme :
La puissance consommée par les traînées aérodynamiques est une fonction cubique de la vitesse, elle ne devient donc importante qu’à haute vitesse (en gros au delà de 60 km/h).
Le concepteur ne peut agir que sur le couple Sf. Cxp pour minimiser la traînée aérodynamique.
C’est ce dernier paramètre que nous allons étudier.
LA TRAINEE AERODYNAMIQUE :
Cette trainée aérodynamique provient du fait que l’auto se déplace dans un fluide visqueux : l’air.
La trainée aérodynamique se scinde en :
1 – Trainée de pression :
Si l’objet est parfaitement caréné, l’impact du fluide sur celui-ci a pour conséquence la production de zones de surpression sur la proue ainsi que sur la poupe et de zones de dépression sur les flancs.
Les forces de pressions résultantes de ces surpressions et dépressions s’équilibrent, au culot (séparation de la couche limite) de pression résiduel près.
La traînée aérodynamique devient très faible et pratiquement égale au frottement visqueux de l’air sur les parois
Malheureusement c’est très rarement le cas dans la réalité sur une automobile parce que la traînée de culot est largement prépondérante.
Ces culots ne permettent pas aux lignes de courant de se rejoindre à l’arrière du véhicule.
Cela entraîne une dépression sur la poupe à l’origine d’une forte traînée de culot qui produit un « ventousage » arrière très violent opposé au mouvement.
2 – Trainée de frottement visqueux :
Traînée inévitable liée à la nature visqueuse de l’air.
Cette traînée est beaucoup plus faible que la traînée de pression car sur les automobiles, la composante de traînée de culot est largement prédominante.
L’HISTORIQUE :
L’historique de l’aérodynamique des autos est fortement lié aux progrès de l’aéronautique mais surtout à la compréhension, par certains ingénieurs doués, des spécificités des écoulements autour de formes fuselées proches du sol.
Gustave Eiffel avait démontré au début du siècle qu’un corps caréné de moindre pénétration dans l’air devait adopter une forme fuselée de proportions optimales.
Les concepteurs ont commencés par essayer de caréner leurs autos à la manière des avions (cf. Ricotti, La Jamais contente, Vélo Torpille).
Mais Paul Jaray (1889 – 1974) le premier fit remarquer qu’un corps de moindre pénétration avait une forme différente suivant qu’il avait à se déplacer dans l’air ou à proximité du sol (L’aéronautique août 1922).
En effet, à l’approche du sol, la traînée d’un corps fuselé augmente sensiblement par décollement de la couche limite (effet de divergent s’accompagnant d’une recompression brutale et de décollements de la couche limite).
L’idée de base expérimentée par Jaray et Klemperer lors d’essais systématiques dans la soufflerie du Comte Zeppelin à Friedrischshafen fut de créer des carrosseries profilées à la manière des ailes d’avion.
Le gain fut important mais ces formes engendraient de la portance et donc de la traînée induite par la portance sous la forme de deux intenses tourbillons marginaux (bien visibles en automne sur les routes couvertes de feuilles mortes).
Mauboussin dans un article de L’aéronautique (N°174, Novembre 1933) fit part de ses travaux consistant à éliminer les principaux défauts de la carène Jarey (traînée induite et instabilité).
Il proposa une carrosserie en forme d’aile verticale qui éliminait la traînée induite, puis un étagement des maîtres couples vers la poupe formant dérive stabilisatrice.
Cette évolution darwinienne conduisit les concepteurs à des formes en berlingot idéal en terme de traînée et de stabilité.
L’aboutissement de cette évolution se retrouve dans des véhicules comme la Mathis 333.
LES PROTOTYPES AERODYNAMIQUES DES BUREAUX D’ETUDE PANHARD ET CD
LA DYNAVIA (1948)
Etudiée en 1944 par Louis Bionier, sa maquette est réalisée en 1945.
Elle fit sensation au salon de Paris en 1948 sur le stand Panhard en préfigurant déjà la révolutionnaire Dyna 54.
L’OBJECTIF DE LA DYNAVIA
Il était de résoudre le difficile problème des formes en donnant le maximum d’économie, de sécurité et de confort dans la vitesse.
Une étude aérodynamique rationnelle et raffinée de la Dynavia n’avait pas seulement pour but un exercice aérodynamique d’une meilleure pénétration dans l’air, mais encore d’une parfaite stabilité dans l’air en vue de la sécurité, à cet égard le résultat est immédiatement tangible aux passagers : les vents de travers les plus violents, les remous au croisement d’un véhicule , au passage d’un pont, ne sont pas perceptibles, les formes ayant été étudiées pour que les poussées latérales de l’air soient égales sur l’avant et l’arrière de la voiture.
Ailes, refroidissement moteur, phares, tous accessoires nécessairement liés à leur fonction forment un ensemble dont on essaie vainement, en le torturant, de faire une harmonie.
De profil, ces ailes, cette calandre et les phares, ont disparus.
La carrosserie est du type monolithe (monocoque) construite sur une embase constituée par des caissons légers.
Sur ceux-ci viennent se raccorder des membrures caissonnées de liaison pour les panneaux latéraux, le pare-brise et le pavillon.
Ces éléments concourent à la résistance globale et annulent les voiles locaux qui se produiraient sous les efforts.
D’une façon générale les éléments résistants convergent vers le tablier, centre des efforts principaux.
Tous les éléments comportent de légers galbes, de façon à proscrire les surfaces planes dans le but d’augmenter la rigidité en vue du silence et de diminuer les résonances possibles dont les parois, planes sont affligées.
La visibilité est considérable et en particulier le pare-brise.
La visibilité arrière, déjà bonne par la lunette arrière, est augmentée de celle que procure l’obliquité des parois par les baies de custode.
Les pièces et le découpage sont étudiés pour un emboutissage facile et leur jonction se fait par points électriques.
Ajoutons à cela les solutions intéressantes qui apparaissent :
- Dégagement total de l’ensemble mécanique par le soulèvement de tout l’avant de la carrosserie, y compris le dispositif d’éclairage. Ce dernier est constitué par un projecteur central antibrouillard de grande puissance, faisceau serré de lumière pour la recherche lointaine de l’obstacle, et par deux phares latéraux à faisceau plat, sorte d’aile de lumière, élargissant sans éblouir, le champ de visibilité, ce qui ce fait aujourd’hui facilement avec les Leds !
- Ingénieux placement de la roue de secours dans la point arrière. Le pivotement du « V » formé par les plaques de police dégage instantanément le logement de la roue, laquelle est immédiatement disponible.
Partant des solutions mécaniques de la Dyna de série, elle confirme la qualité de ces solutions : Cylindrée de 610 cc, refroidissement par air, 4 vitesses dont la 4ème est surmultipliée.
Les lignes aérodynamiques de la Dynavia très poussées mais rationnelles, annonce déjà tout ce que sera la future production Panhard tant en série qu’en compétition.
TABLEAU COMPARATIF DES VEHICULES REMARQUABLES : réalisé par Matthieu Barreau et Laurent Boutin
LA DYNA Z : L’ENFANT DE LA DYNAVIA
Lorsque Panhard décida en 1951 d’étudier une autre Dyna, des maquettes furent à nouveau expérimentés à l’institut Aéronautique de Saint-Cyr, puis au laboratoire Eiffel, rue Boileau à Paris.
On obtint à Saint-Cyr un Cx mini de 0,260 : excellent pour une voiture d’utilisation courante.
Au laboratoire Eiffel, où la représentation du sol est différente, un Cx mini de 0,241 fut mesuré : il descendit même à 0,236 par modification à la cire des formes avant et arrière.
Ces modifications furent faites sur la voiture définitive.
Le laboratoire, c’est bien, mais la réalité de la route, c’est mieux encore !
Car il ne faut pas demander à la soufflerie plus qu’elle ne peut donner, tant en raison de la représentation incorrecte du sol que du manque de détails de la maquette sur laquelle n’apparait pas, en particulier, la trainée de refroidissement.
Pour vérifier en gradeur les résultats de cette expérimentation au tunnel aérodynamique et déterminer avec précision l’importance et la nature des éléments nuisibles, on avait eu recours, pour la mise au point de la Dynavia de 1948, à une méthode originale d’enregistrement cinématographique de l’écoulement.
On s’en resservit pour la nouvelle Dyna.
Une petite girouette légère, précise et très stable a été créée à cette intension.
Elle se compose d’une tige équilibrée portant un cône, articulée sur une rotule solidaire d’une ventouse de fixation en caoutchouc.
Une caméra Pathé Webo de 16 mm est placée sur son support.
Un certain nombre de ces girouettes sont ensuite fixées sur la carrosserie, ici sur la capot moteur.
Et sur le toit de la Dyna :
Cet enregistrement, est effectué horizontalement, puis verticalement.
Enregistrement des films :
La projection des films se fait sur un écran qui porte un quadrillage constitué par un réseau de fils, correspondant aux coupes de référence du plan des formes
Il est dès lors facile de repérer avec exactitude la position et l’incidence des girouettes et de tracer les lignes de l’écoulement de l’air.
Lorsque le cône de la girouette se rapproche de la carène, il convient de dégonfler la forme. S’il s’en écarte, on augmente au contraire le volume.
D’une façon générale, les indications du laboratoire ont été confirmées par les essais sur route.
Il est apparu, en particulier, que les formes d’une carrosserie ne conviennent que pour une allure déterminée.
En effet, l’inertie des molécules d’air limite leurs parcours dans l’unité de temps. Pour qu’elles continuent à s’appliquer contre le carène en mouvement, le rayon de courbure ne doit pas descendre en-dessous d’une certaine valeur à partir de laquelle il y a décollement et formation de tourbillons.
On retrouve un résultat pressenti par empirisme : l’allongement de la carène doit croitre avec la vitesse.
Le dessin d’une carrosserie et la mise au point de ses formes impliquent donc le choix de l’allure pour laquelle on désire obtenir le minimum de trainée, donc la plus grande économie de marche.
Pour une voiture qui atteint la vitesse de 130 km/h comme la nouvelle Dyna, ce sera 120 km/h (33 m/s), la vitesse « plein tube » des avions de bombardement de la première guerre mondiale…
L’automobile, peut recevoir un vent latéral naturel ou être soufflée par une autre voiture, ce qui, combiné avec sa propre vitesse de déplacement sur la route, donne un courant d’air résultant notablement incliné sur la trajectoire et capable d’engendrer des forces dissymétriques très gênantes, car elles ne sont équilibrées que par l’adhérence des pneus.
Tant qu’une voiture n’était qu’un mauvais profil, la composante de la force aérodynamique normale à la trajectoire qui apparait pas vent latéral était réduite et proche du centre de gravité : le moment qu’elle produisait était facilement absorbé par l’adhérence des roues.
En affinant les formes on transforme la voiture en un bon profil qui engendre une force aérodynamique accrue.
En même temps, sa trace sur le plan médian s’éloigne vers l’avant : force plus importante, bras de levier plus grand, le moment devient considérable.
De plus, l’effort de traction dans le sens de la trajectoire est plus faible du fait de l’aérodynamisme et l’allègement.
Sa composition avec le vent transversal donne une résultante encore plus oblique.
Comme la force aérodynamique perturbatrice est située devant le centre de gravité (entre l’essieu avant et le centre de gravité pour les mauvaises carènes, bien en avant de l’essieu avant pour les bons profils), elle tend à faire tourner transversalement la voiture : l’instabilité est caractérisée.
Pour que la voiture soit indifférente au vent de travers, le centre de gravité et le centre de pression devraient être confondus.
Comme cela apparait très difficile, on peut soit avancer le centre de gravité (solution qui milite en faveur de la traction avant), soit reculer le centre de pression en diminuant les actions latérales de l’air sur l’avant de la voiture, soit enfin réduire la force aérodynamique elle-même en n’offrant à l’attaque oblique de l’air que des formes continues peu résistantes, tant à l’avant qu’à l’arrière.
C’est l’application de cette technique qui donne à la nouvelle Dyna son aspect arrondi si particulier.
Le problème se complique encore du fait de la légèreté de la voiture.
Contrairement à un avion qui demande à être sustenté, l’automobile devrait plutôt être plaquée au sol, cat toute diminution de poids adhérent réduit la transmission de puissance, le tenue de route et la possibilité de freinage.
Comme on le voit, le dessin d’une bonne carrosserie est une question difficile qui ne peut être menée à bonne fin que par un contrôle méthodique des actions de l’air.
Ce travail n’a rien à voir avec la mode, le goût du jour et le coup de crayon du styliste.
PRINCIPES AERODYNAMIQUES APPLIQUES A LA 24
LES PRINCIPES DE LA SOUFFLERIE ET LES AVANTAGES
C’est l’application particulière et originale du principe d’Archimède. La maquette à étudier est fixée sur un flotteur libre plongé dans une cuve à eau.
Une veine d’air dirigée sur la maquette y exerce une poussée qui est absorbée par des lames limitatrices de course très mince et très flexibles, judicieusement disposées.
Des strains-jauges reliés à ces lames enregistrent les déformations.
Le principal avantage de cette soufflerie réside en la suppression du mécanisme habituel de liaison « maquette-balance », compliqué et générateur de frottements préjudiciables à la sensibilité de l’enregistrement.
L’étude de l’aérodynamique de la voiture a nécessité l’essai comparatif, en soufflerie, de nombreuses maquettes mais d’une conception particulière étant donné l’extrême sensibilité du flotteur qui, rappelons-le, repose sur du liquide.
Ce flotteur, solidaire de la maquette, étant relié à tout un ensemble de jauges enregistreuses des moindres mouvements de cette dernière, on conçoit que pour comparer les formes, on ne doit, lors des changements de maquettes, introduire aucun élément perturbateur dans le délicat dispositif mis en place sur la surface du liquide.
Or tout changement de maquette de type classique provoquerait un déréglage, du fait qu’on toucherait aux supports de fixation et qu’aucune maquette, si bien exécutée soit-elle, ne peut pour une modification d’une de ses parties être rigoureusement reproduite dans toutes ses caractéristiques.
LA SOUFFLERIE :
On y fait passer la maquette dans un caisson rempli d’instruments de mesures sur lequel on dispose toutes les sortes de carrosserie.
En définitive, une solution de compromis devra être adoptée tenant compte de la tenue de route, de la vitesse et de la consommation.
Théoriquement on pourrait fabriquer une voiture allant à 150 km/h en dépensant 3 litres ’essence, mais il faudrait qu’elle ait 7m de long.
Si l’on faisait les voitures sur mesure, celles du client préférant le 130 n’auraient pas la même forme.
Ce double inconvénient a fait adopter une ingénieuse solution consistant tout d’abord à fixer sur le flotteur une simple ossature de maquette correspondant aux parties inférieures de la voiture dont les formes ne sont plus à étudier, notamment l’infrastructure attelée aux trains avant et arrière.
De petits électro-aimants, fixés sur les faces de cette ossature et commandée individuellement, permettent de « l’habiller », en y appliquant délicatement et sans provoquer de déréglage, toute une variété d’éléments complémentaires qu’on peut alors combiner et étudier, même individuellement.
Ces maquettes en « pièces détachées » interchangeables et de même poids comparatifs, ont permis de composer et d’essayer en soufflerie commodément, rapidement et avec une précision mathématique, une infinité de formes de voitures et de dégager en définitive celle qui a été reconnue la meilleure.
Exemple d’habillage d’une ossature avec les pièces détachées d’une maquette essayée en soufflerie :
Charly RAMPAL (Documents Bureau des Etudes Panhard)