PANHARD ET LEVASSOR : AU DEBUT ETAIT JEAN-LOUIS PERIN ET SES MACHINES A BOIS.
Nous sommes en 1845, la première ligne de chemin de fer n’a pas dix ans, Louis-Philippe est encore « roi des Français ».
M. Perin, un homme de taille moyenne, au front large et aux mains marquées par des années de travail manuel, est le type même de l’artisan français, courageux et persévérant.
Jean-Louis Périn est né à Rethel en 1816.
Autodidacte venu à Paris, « fils de ses œuvres, il a été ouvrier ».
Il a sans doute était découpeur sur bois, avant de s’associer, en 1846, à un certain Pauwels, qui meurt en 1846 ou 1847.
Périn reste seul à la tête de l’affaire. Il habite 26 rue de Charenton, et son atelier est au fond de la cour du 97 rue du faubourg Saint-Antoine, au coeur du quartier traditionnel des menuisiers et des ébénistes.
Il emploie un chef d’équipe et trois compagnons.
Là, il ne travaille plus le bois comme il l’a fait au début de sa carrière, il fabrique des machines pour le débiter.
Son esprit inventif a compris qu’il était archaïque de guider la lame par deux blocs de bois et qu’un système précis permettrait d’utiliser des lames minces.
Jean-Louis Périn n’est pas l’inventeur de la scie à ruban, mais c’est lui qui va en améliorer la précision et la fiabilité de façon radicale : « Il en invente la brasure, c’est un pas de géant (…)
Il utilise des lames minces et, surtout, il applique les guide-lames à l’endroit même où la scie travaille.
En cette belle journée d’avril il est satisfait, il vient d’obtenir un brevet pour le guide-lame des scies alternatives et des scies à ruban
À l’aide de ces innovations techniques, il vend toujours plus de machines et de rubans en France et même en Angleterre et dans d’autres pays étrangers.
Dans la cour de la Pompe Chaude, ainsi baptisée parce qu’une vieille machine à vapeur déversait son eau de condensation dans la rue du Faubourg en passant par cette cour, le petit atelier va rapidement se développer.
Les meilleures machines à bois Lorsque survient la Révolution de 1848, en plus de six travailleurs du bois, Perin emploie huit mécaniciens, car c’est le sciage du bois qu’il est en train de révolutionner.
On apprécie beaucoup les nouvelles scies qui effectuent un travail plus précis et plus fin.
En 1855, dans la section des Industries du bois à « L’Exposition Universelle de l’Industrie », les nouvelles scies sont très remarquées.
Elles mettent en œuvre tous les principes des scies encore utilisées de nos jours.
Perin enregistre ses premières commandes pour l’étranger.
Après avoir agrandi son modeste atelier, Perin doit en 1865 créer une annexe, 26, rue de Charonne.
La production s’élargit aussi : scies à grumes, chariot libre sur scie à ruban, mortaiseuses, raboteuses, rouleaux, dégauchisseuses, etc… et même une machine à fabriquer des sabots de bois !
Bien sûr, à l’Exposition Universelle de 1867, la gamme complète des machines à bois est présente sur le stand, accompagnée d’une œuvre d’art qui en illustre les possibilités.
Cette œuvre d’art, aux mille détails extrêmement fins, dans le style Renaissance italienne, fait l’admiration des visiteurs.
Un siècle plus tard Citroën la récupérera chez Panhard dans la salle du conseil d’administration, pour montrer à jamais l’origine de la marque et l’amour du beau travail.
Sur son stand, dans la section des industries du bois à l’Exposition universelle de Paris, Perin expose une scie à ruban, dont la vitesse de sciage est de 40 à 60 centimètres par minute, selon la qualité du bois.
Mais là, il faut voir la source… soit vitesse du ruban : normalement c’est 25/30 mètres par seconde… soit vitesse de la pièce en acier sur la table ou le chariot.
Normalement Perin savait le faire à 40/60 mètres par minute selon la qualité du bois. Grâce à elle, il reçoit une médaille d’argent, ainsi que la médaille d’or de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale.
En 1862, il reçoit une « Prize Medal » à l’Exposition universelle de Londres.
La réussite est au rendez-vous, puisque l’affaire va passer de quatre ou cinq personnes vers 1848 à soixante ou soixante-dix ouvriers vingt ans plus tard, installés dans les locaux des débuts et — depuis 1865 — dans un second atelier, passage L’Homme, 26 rue de Charonne, touchant presque au fond de la cour du 97 faubourg Saint-Antoine.
Un témoignage ignoré des auteurs français confirme l’avance technique de Périn.
Lorsque Gottlieb Daimler, jeune ingénieur sorti du Polytechnicum de Stuttgart en 1859, vient à Paris après un court séjour dans la manufacture d’armes de Graffenstaden en Alsace, il va travailler plusieurs mois [en 1860] chez Périn qui a construit et breveté en 1853 une machine pour scier le bois.
Périn a des idées nouvelles et, notamment, il peut scier des métaux durs grâce à sa scie à ruban (…)
Daimler est un perfectionniste, et c’est de Périn qu’il a appris l’importance des aciers de haute qualité pour obtenir une fabrication précise et durable.
Bien qu’il ait passé peu de temps chez Périn, il n’a rien oublié ensuite de ce qu’il y a vu et appris.
1867 sera, à deux titres, l’année clé pour Jean-Louis Périn et pour son entreprise : au printemps, il expose ses machines à l’Exposition universelle, il y reçoit la croix de la Légion d’honneur, une médaille d’or et une médaille d’argent ; en août, il cède, pour près de 200 000 F, la moitié de son affaire à René Panhard.
Dans la vaste Galerie des machines construite au Champ-de-Mars pour l’Exposition universelle, le constructeur Périn a présenté la gamme de ses machines à bois réputées, mais aussi, pour en illustrer la qualité et les possibilités, « une grande pièce ouvragée d’environ 4 mètres de haut par 4 mètres de large, d’un dessin très artistique et d’une facture délicate et compliquée : celle que nous avons vu plus haut.
Dans la même Galerie, les onze millions de visiteurs peuvent découvrir les machines à gaz d’ Otto et Langen, récompensées par les organisateurs et présentées par Gottlieb Daimler qui, après son stage chez Périn et Rouart à Paris, a passé un an en Angleterre, le pays alors en tête dans la construction mécanique, avant de rejoindre cette firme allemande en 1863 ; ils peuvent voir aussi des machines produites par la société belge John Cockerill, présentées par Émile Levassor, le camarade de René Panhard à l’École centrale : l’Europe des nouvelles industries est en marche.
Trois mois plus tard, Jean-Louis Périn, « chevalier de la Légion d’honneur, négociant », et René Panhard, « propriétaire », forment devant notaires, pour une durée prévue jusqu’au 1er octobre 1876, « une société commerciale en nom collectif, dont la raison sociale est Périn et Compagnie, ayant pour objet l’exploitation de la construction de machines-outils, située à Paris, 97 faubourg St-Antoine, et des ateliers de découpage qui en dépendent ».
L’entreprise va alors prendre de l’ampleur en étendant son champ d’activités à la fabrication de machines destinées au sciage des métaux.
La guerre de 1870 survenant, la société Perin-Panhard va abandonner un temps ses fabrications de scies à ruban pour celle plus urgente de canons.
L’épisode de la guerre sera de courte durée, mais la société se trouve devant l’obligation de chercher des locaux plus vastes.
Faute de trouver dans Paris, René Panhard va finalement acheter des terres en friche du côté du boulevard Masséna et commencer à y édifier des ateliers.
L’entreprise prend de l’essor et René Panhard décide de faire appel à un camarade centralien dont il a apprécié les qualités lors de leurs études communes: Émile Levassor.
L’alliance de ces deux hommes est le début d’une aventure aussi exemplaire que durable. En 1874, les premières productions de scies commencent à démarrer dans les nouvelles usines de la Porte d’Ivry.
…De son côté, Levassor, toujours à l’affût des nouveautés technologiques, fait part à René Panhard des moteurs à gaz produits par Cockeril sous licence Otto.
Il est décidé d’en commander un pour l’étudier.
Le dépositaire de Cockeril en France est un monsieur du nom d’Auguste Sarazin.
L’étude de ce moteur décide Perin, Panhard et Levassor à faire démarrer la fabrication dudit moteur en France, sous licence.
Nous sommes alors en 1876 et au décès de Perin dix ans plus tard, René Panhard fait logiquement la proposition à Émile Levassor de devenir son associé : la suite on la connait.
MAIS QU’ETAIENT DONC CES MACHINES OUTILS ?
D’après le catalogue PL 1911, de François Guillard, on commençait à distinguer les machines à bois en 2 grandes catégories, qui elles-mêmes classées en sous catégorie…
1°) les machines de première transformation, abattage, scies à grumes manuelles ou automatiques, etc les tronçonneuses à chaine c’est plus tard…
2°) les machines d’atelier, (qui sont celles de La Prénessaye), dans l’ordre suivant
- Débit : scie à ruban à pousser, à chariot, etc…, scie à tronçonner, dégauchisseuse, raboteuse
- Usinage : toutes les toupies, mortaiseuses, tenonneuses, perceuses, défonceuses, etc…
- Finition : toutes les ponceuses, brosseuses, etc
LA SCIE A RUBAN GRUME :
La scie à grumes est une machine utilisée pour scier en longueur des troncs abattus.
À la différence des machines comme les tronçonneuses et scies, qui servent à abattre puis tronçonner le bois, la scie à grume vous permet de découper le bois dans le sens de son lignage des fibres. Elle met en rotation une bande en acier fermée sur elle-même; sans fin, elle sert principalement au délignage de grumes (tronc d’arbres en long) plateaux en menuiserie. Elle permet également le chantournage en utilisant des lames de faible margeur. Ca, c’est le domaine des scies d’atelier à table comme celle de La Prenessaye.
LA MORTAISEUSE
Une mortaiseuse à bois est une machine outil qui sert à l’usinage du bois. Elle est utilisée pour la réalisation de mortaisess.
RABOTEUSE A BOIS
Une raboteuse à bois est une machine-outil utilisée parle menuisier pour calibrer une pièce préalablement dressée.
Elle sert à usiner une pièce de bois préalablement dressée à l’aide d’une dégauchisseuse pour l’amener à épaisseur et une largeur désire par enlèvement successif de matière.
ROULEAUX A BOIS
Simplement des rondins de bois cylindriques sur lesquelles on fait rouler des fardeaux.
DEGAUCHISEUSE
Machine à bois servant à aplanir des pièces de bois en enlevant du bois sur les parties gauchies de ces pièces.
LA TOUPIE
Une toupie est une machine-outil d’usinage du bois. Elle sert à profiler des sections de bois. On peut appeler ces profils des moulures.
L’outil est fixé sur un arbre vertical logé dans une lumière cylindrique au milieu d’une table en fonte ou en acier.
Le réglage de la profondeur est effectué grâce à un guide rectiligne situé de part et d’autre de l’outil en laissant plus ou moins dépasser l’outil. Le réglage de la hauteur s’effectue à l’aide d’une manivellee souvent située sur le côté de la machine.
On peut aussi changer la démultiplication arbre/moteur en réglant la courroiee qui est derrière le capot situé en dessous de la table.
Une toupie Panhard et Levassor a été récupérée par PCH : elle est visible dans l’espace Panhard à La Prenessaye. La voici dans son jus d’origine :
LE BREVET : MACHINE AUTOMATIQUE A AFFUTER LES LAMES DE SCIE
Les lames de scies à ruban de cette époque étaient exclusivement affûtées à la main; mais, en raison du développement des scieries et pour éviter l’emploi d’ouvriers un peu spéciaux ou qu’il fallait former, on a été amené, surtout pour les scies employées aux gros débits, à adopter l’affûtage mécanique.
Ce mode d’affûtage, lorsqu’il est fait avec une machine bien comprise, donne de très bons résultats.
Les machines PANHARD ET LEVASSOR (P et L) 2 VS et 5 VS, répondent parfaitement à toutes les exigences; elles sont entièrement automatiques, et, dans leurs organes essentiels, elles se composent d’un bâti, d’une table et d’un balancier à l’extrémité duquel est montée une meule d’émeri animée d’une très grande vitesse de rotation; le balancier possède deux mouvements, l’un pour l’affinage du dessous de la dent, l’autre pour l’affûtage du dessus de la dent.
Un cliquet que l’on règle d’après l’écartement de la denture fait avancer la scie à chaque oscillation du balancier.
Un appareil spécial, placé sur le côté, permet de donner la voie automatiquement
L’emploi de ces machines est très économique, l’usure des meules étant très faible.
La conduite est facile : au bout de deux ou trois jours, un ouvrier intelligent n’est plus embarrassé.
Une fois réglée, elles font toujours la même denture; d’ailleurs, des repères convenablement disposés permettent de passer, sans hésitation, d’une denture à une autre.
L’affûtage obtenu avec les machines P et L, est tellement parfait que les retouches à la lime sont inutiles.
Dans quelques usines, c’est le chauffeur-mécanicien qui conduit l’affuteuse; il a généralement assez de loisirs pour cela, et, comme la machine est automatique, il n’a en définitive, une fois la laine montée, qu’un mit de surveillance à apporter.
Dans l’affûtage à la main, il était indispensable d’appuyer la lime dans le fond des dents : il en est de même dans l’affûtage mécanique : aussi, à chaque affût, conviendra-t-il de faire mordre légèrement la meule dans le fond des dents.
Les machines P et L permettent l’affûtage de toutes les dentures. Pour les scies à dents mariées et à gencive on est obligé d’arrondir légèrement les angles du fond de la dent, mais cela n’en vaut que mieux au point de vue de la résistance de la lame
Voie : la voie se donne à la main ou mécaniquement.
Dans le premier cas, on saisit la scie dans la mordache du banc d’affût en ne laissant dépasser que la pointe des dents, et, avec un léger marteau et par l’intermédiaire d’un poinçon que l’ouvrier tient de la main gauche. On frappe sur les dents de manière à les courber légèrement; elle peut se donner aussi au tourne-à-gauche; c’est plus long, mais pour les grandes dents c’est plus facile.
Dans ce dernier cas, l’ouvrier a un réglet qui le guide pour obtenir une régularité convenable.
Un appareil spécial, permet de donner automatiquement la voie, aux scies à bois seulement.
L’emploi de cale machine est très économique, l’usure des meules étant à peu près nulle.
Mais ces meules, qu’on pourra toujours se procurer chez P et L, demandent à être tune qualité excellente et spéciale.
La machine peut affûter toutes les dentures et des repères convenablement disposés, permettent de passer sans hésitation de l’une à l’autre.
Elle existe dans un très grand nombre de scieries et est maintenant trop connue pour que nous ayons à nous étendre plus longuement à son sujet.
Un axe de meule et une meule de rechange sont fournis avec chaque machine.
Les types 2VS et 8VS peuvent se faire à droite ou à gauche sur demande afin d’éviter de retourner les lames pour l’affûtage.
Ainsi donc, grâce à Perrin Panhard et Levassor fut d’abord un fabriquant de machines à bois, devenu motoriste, puis constructeur automobile presque par hasard, sur l’intuition d’Emile Levassor toujours à l’affût d’idées nouvelles et de progrès : Panhard et Levassor resteront à jamais une Doyenne d’avant-garde.
CHRONOLOGIE PERRIN-PANHARD
Charly RAMPAL Archives Panhard, les récits historiques de C.A. SARRE et la chronologie « Perrin-Panhard » réalisée par le spécialiste des machines à bois : François GUILLARD que je remercie pour sa collaboration.