En faisant du rangement dans ses archives, mon ami Gérard Dantan, trouve un supplément au n° 629 d’une revue du 8 octobre 1910 de « La vie au Grand Air », revue spécialisée dans les reportages sportifs de l’époque qui relate des épreuves de courses de vitesse de bateaux lors des meetings de Monaco. Cette revue qu’il m’ envoyée, m’a poussé à rechercher dans mes archives des documents complémentaires et des photos : c’est cet ensemble de mes travaux sur ce sujet que je vous livre.

Au début des années 1900, Panhard et Levassor étaient très actifs dans la motorisation des autos, des avions, des dirigeables mais aussi des bateaux :

La revue n° 500 du 18 avril 1908 présente la cinquième édition du meeting nautique de Monaco épreuves réservées aux canots automobiles dans le cadre du Grand Prix du Prince de Monaco ; les concurrents se nommaient :

La Rapière de Tellier, lequel travaillait également pour les dirigeables – Le Sizaire et Naudin (L’Automobile). – Le bateau anglais Wolseley-Siddeley, adversaire redoutable.

Wolseley qui se dirigera vers l’automobile et Siddeley qui donnera naissance à Hawker-Siddeley, renommé dans l’aéronautique avec le fameux Typhoon.

Le Lorraine-Dietrich – Le Delahaye  » Nautilus » – Le Mors et bien sûr Panhard-Levassor.

Les épreuves étalées sur une semaine présenteront différents types de bateaux. Les voiturettes nautiques à moteur monocylindre, comme dénommées à l’époque, les Cruisers, les Racers (déjà) et les Glisseurs ?

Dans la catégorie Racer le P & L était opposé au Wolseley qui se montra le plus rapide dans la série des 50 kilomètres après une belle bagarre avec le P & L.

Le Panhard & Levassor prit sa revanche dans le « Championnat de la Mer avec aux commandes le comte de Vogüé qui remporta la victoire pour la troisième fois. Dans la course handicap le bateau anglais égalait à peu près le temps de Panhard & Levassor mais sur le kilomètre le P & L l’emportait de trente mètres enlevant la Coupe de S.A.S le Prince de Monaco. C’était en 1908.

L’AMBIANCE

La fin de la saison 1904 fut marquée par un événement sans précédent : l’Exposition et les Concours de canots automobiles.

 Dès sa première édition, le Meeting de Monaco fut un triomphe.

Les compétitions sur route étant interdites, les industriels offraient désormais les plans d’eau comme terrain de jeux aux amateurs de vitesse.

Georges Prade, secrétaire de la commission exécutive du Comité d’organisation, reconnut plus tard que la nuit du 29 au 30 mars 1904, il avait fort mal dormi.

Certes, tout était en place pour l’inauguration de l’Exposition par le Prince Albert I‘ ». Les canots, finalement presque quatre-vingts, étaient à poste dans l’enceinte construite tout exprès.

Aucun incident n’avait été à déplorer, ni dans l’acheminement depuis Paris par chemin de fer (la société PLM avait consenti des tarifs très avantageux), ni dans le trajet par la mer pour ceux qui venaient des nombreux chantiers de la gare ou d’Italie.

De la gare, ils avaient été transportés au port sur des voitures à cheval, perturbant considérablement le trafic entre Fontvieille et la Condamine.

L’ingénieur Gabireau, à qui l’on devait le pont roulant qui permettait la manutention des canots, jamais à court d’idée, préconisa le percement d’un tunnel qui relierait la gare au port, permettant aux wagons d’arriver au bord de l’eau.

Ce qui fin fait commencé en 1906, le tunnel de la Quarantaine fut inauguré pour le meeting de 1913.

Car à Monaco, tout était possible ! L’essor et le rayonnement de la Principauté était assuré par deux personnalités hors du commun : le Prince Albert Pr, scientifique, aventurier au sens le plus noble du terme, sensible au développement de toutes les technologies, mécène enthousiaste et Camille Blanc, président de la Société des Bains de Mer et de l’International Sporting Club, sur qui reposait la réussite d’un énorme complexe touristique appelé Monte-Carlo, créé au milieu des années soixante.

UN PEU D’HISTOIRE

C’est à ce dernier que Georges Prade devait ses insomnies : Camille Blanc, constatant l’engouement des « sportsmen » et du public pour les canots automobiles, avait vu le parti que l’on pouvait en tirer à Monaco.

Il allait réussir au-delà de toute espérance, non seulement à retenir quelques semaines de plus autour des tapis verts et dans les palaces la foule de ses riches clients, mais aussi à attirer les industriels et les représentants des marines du monde entier prêts à investir dans ce domaine prometteur.

Le succès remporté par la course-croisière « De Paris à la mer » finit de décider Camille Blanc à organiser un meeting avec l’appui du Prince Albert 1er.

Monaco étant à ce moment-là probablement l’endroit le plus chic du monde, il fallait que la manifestation soit grandiose.

Elle le sera.

A la fin du mois de mars se tiendra d’abord l’Exposition des canots, que le Petit Monégasque salue comme le « premier Salon du yachting ».

Et seuls les bateaux y ayant pris part pourront s’affronter sur l’eau, dans une série d’épreuves dotées par l’International Sporting Club de 100 000 F en espèces (soit plus de 2 MF ) et d’une Coupe d’une valeur de 5 000 F par le Prince.

Il est temps que Monaco s’inscrive dans un calendrier de réunions qui devient assez chargé.

Ainsi, en septembre 1903, se court à Cowes, sur le Solens, le second British International Trophy, auquel participe un bateau américain alors qu’au même moment, Fiat engage trois bateaux au meeting de Stresa, en Italie.

Camille Blanc et son infatigable Georges Prade se mettent au travail.

LES ENGAGES

Ce premier Meeting s’annonce triomphal sur 80 inscrits, 75 participations sont effectives.

Du jamais vu !

Dans les engagés, on relève la présence des moteurs Delahaye, Panhard et Levassor, Berliet, Daimler, Hotchkiss, Mercedes, Richard-Brasier, Fia, de Dion-Bouton, Renault, Peugeot, et comme sponsor, celle de la Compagnie des Téléphones, qui aligne sept canots (ils s’appellent Allô I, Allô II, etc.).

37 km/h : record battu

Le public, évalué à 20 000 personnes, se presse à l’Exposition, et plus encore sur les terrasses et au Tir aux Pigeons où l’on domine le parcours des courses.

On parie sur les canots, et l’on admire la hardiesse de l’Anglaise Dorothy Lewis, qui remporte le trophée Menier aux commandes du Napier.

Car les propriétaires, mordus de vitesse, avides de records, de performances, et un peu frimeurs, pilotent eux-mêmes leur canot.

En 1904, on ne compte qu’un seul professionnel, le pilote du Trèfle-à-Quatre.

Et l’on s’émerveille des multiples possibilités du moteur à explosion, qui vient de passer avec tant de succès de l’automobile au bateau, et pour lequel certains rêvent déjà qu’il arrachera enfin au sol des engins « plus lourds que l’air ».

Monaco consacre son avènement : il équipe la plupart des canots, (seuls quatre d’entre eux ont encore un moteur à vapeur et un seul à pétrole lampant), bonne affaire pour la maison Lepêtre qui livre plus de 15 000 litres d’essence.

La météo offre au premier meeting un moment de grâce : au matin du 4 avril (c’est le lundi de Pâques) pour le début des courses, le plan d’eau est poli et lisse comme une laque de Chine, et va le rester durant toute la semaine.

Chacun a ses favoris, mais tous s’enthousiasment pour les performances inouïes du Trèfle-à-Quatre.

Ce racer de 10 m à moteur à essence 4 cylindres de 70 ch Richard Brasier sur une coque Seyler atteint 37 km/h, parcourant 200 km en 5 h 16 mn 51 sec 3/5e, et remporte la Coupe du Prince sur le mille marin (1 852 m) en 4 mn 17 sec 3/5e.

Jusqu’à ce jour, seul un bateau de 30 mètres était capable de telles vitesses.

On a pourtant du mal à imaginer que bientôt, le moindre cruiser, pesant beaucoup plus lourd et avec sept ou huit personnes à bord, dépassera les 40 km/h.

Le comte de Vogüé, deux fois vainqueur du Championnat de la mer affirme même à Georges Prade : « Quand je verrai un canot de moins de 8 mètres qui fera 25 nœuds, je le mangerai ! »

Cinq ans plus tard, les canots en question dépassaient les 35 noeuds et le comte de Vogüé renonça à manger sa propre embarcation.

En 1905, le succès se confirme malgré la multiplication des meetings. Kid, Aix-les-Bains, Evian, Lucerne, partout des courses, partout des records, mais c’est à Monaco, désormais seule rencontre de ce type sur la Côte, au grand dam des stations voisines, que l’affluence est la plus grande.

La traversée Boulogne-Folkestone est gagnée par La Rapière devant Napier H, car celui-ci manque la ligne d’arrivée.

Aux Etats-Unis, jusque là un peu en retard sur l’Europe, on met les bouchées doubles et voilà le canot Veritas, équipé d’un moteur Craig 8 cylindres de 200 ch qui dépasse sur le fleuve Hudson les 40 km/h (sa performance exacte est de 30 milles en 1h23 mn 24 sec), tandis que Dixie gagne la course des racers de moins de 12 mètres.

Les canots plus rapides que les transatlantiques

A Paris, la vedette du Salon de l’auto, section motonautisme, est la maison Dalifol, dont les racers, construits en acajou cédrat sur membrures d’acacia et rivés de cuivre, équipés de moteurs Abeille, raflent tolu les prix dans toutes catégories.

Ils seront l’une des attractions du meeting de Monaco, où le racer Dubonnet, équipé d’un moteur Delahaye de 300 ch, remporte la course du mille marin à la vitesse de 52,300 km/h.

On assiste cette année-là aux premières évolutions de bateaux qui déjaugent presque complètement, les hydroplanes, et déjà, s’installe la rivalité entre coques planantes et coques à déplacement.

Et comme les canots vont plus vite que les transatlantiques, le pas est vite franchi.

Dans la foulée du meeting de 1905 le quotidien Le Matin organise un raid Alger-Toulon, avec escale à Mahon, aux Baléares. Sept canots prennent le départ, accompagnés par des bateaux de la Marine nationale.

La première étape se passe bien, le Fiat X, suivi de près par le Mercedes C-P, réalisant une moyenne de près de 14 nœuds.

Aux Baléares, la flotte reste bloquée plusieurs jours par un coup de mistral.

Le 13 mai au matin, l’accalmie semble stable, on demande un avis à la météo de la Mitre à Toulon, qui répond qu’il fait beau, et on donne le départ.

Dans la nuit, le mistral se déchaîne à nouveau en tempête et tous les bateaux, sauf le Quand-Même, devront abandonner, y compris le plus grand canot de la course, le Camille (23,50 m), piloté par Madame du Gast.

Plusieurs canots couleront, leurs équipages étant récupérés à temps par les escorteurs.

C’en est fini de ce genre d’excentricité.

Désormais, les canots automobiles se contenteront de parcours côtiers comme celui du Raid Maritime de la Riviera, qui, après le Meeting de 1906, emmène les canots de Nice à Toulon, avec escale à Cannes, ou La Perle de la Méditerranée, courue par étapes en Sicile.

LE MEETING DE MONACO

Le Meeting de Monaco reste le rendez-vous des industriels, des ingénieurs, des clients potentiels privés et publics.

Tout le monde reconnaît son influence sur le développement de ce marché extrêmement porteur.

Ainsi, les chantiers italiens Gallinari reçoivent commande par un « sportsman » d’un yacht automobile de grand luxe de 21 mètres de long, Valparaiso, équipé de deux moteurs Fiat le propulsant à une vitesse moyenne de 22 km/h.

La Marine japonaise, elle, passe commande de dix canots identiques, suscitant ainsi la première production en série.

La Royal Navy achète le Napier pour en faire un torpilleur, la Marine française faillit acheter un Dietrich allemand, mais cela soulève une telle opposition que la Commission de contrôle juge très opportunément que le bateau ne répond pas au cahier des charges et annule l’acquisition, la marine allemande commande cinq canots à moteur à l’usine Van Oertz de Hambourg, tandis que naît outre-Rhin la très luxueuse revue Das Motor Boot.

Dans la rade de Portsmouth, le Daily Mirror est distribué par un canot automobile à tous les bateaux au mouillage.

Au Canada, en Australie, en Egypte, en Chine, où il n’y a pas de routes, mais beaucoup de voies fluviales navigables, le canot automobile se développe.

Et chaque année, le Meeting de Monaco permet de découvrir les progrès ou les innovations technologiques.

En 1907, en plus des 95 canots engagés, on y voit courir des hydroplanes, des vedettes d’escadre et on assiste à des démonstrations de sous-marins.

Durant le meeting, le quotidien italien La Gazetta dello Sport annonce son intention d’organiser une course-croisière Pavie-Venise, à travers la Lombardie, le Piémont et la Vénétie sur le Pô.

On lit dans la presse de 1908 : »Le Meeting de Monaco s’affirme pour k cinquième fois comme le véritable Salon du canot automobile.

D’ailleurs, Evian, Ostende, Trouville, Arcachon voient toujours triompher les lauréats de Monaco. » Le Championnat de la mer et la Coupe du Prince Albert sont remportés par un beau racer de 16 mètres, le Panhard-Levassor, propulsé par 4 moteurs Panhard de 120 ch.

Alors que le surpuissant Fiat-Gallinari (700 ch) a explosé durant les essais, avec 1 500 litres d’essence à bord, sans que personne ne soit sérieusement blessé.

Il faudra plonger à 47 mètres de fond pour en récupérer l’épave.

Jusqu’en 1913, le meeting va attirer de plus en plus les responsables des différentes marines, car, à nouveau, l’Europe est dans l’avant-guerre. En 1920, il reprendra, pour s’interrompre en 1923, après la mort du Prince Albert 1er.

Les canots automobiles sont devenus un objet quotidien de loisirs et de services, et dans le domaine de l’aviation, le temps des pionniers est passé.

La Belle Epoque est finie, place aux Années Folles.

Les industriels ont gagné la bataille du moteur à explosion, ils peuvent laisser la place aux artistes.

Là encore, Monaco va jouer un rôle de premier plan.

Mais ceci est une autre histoire…

EN FRANCE : ORIGINE DU MEETING

En France, les premières courses de bateaux à moteur mécanique s’étaient déroulées sur le bassin d’Asnières-Argenteuil, le 27 juin 1897, réunissant 22 canots.

Devant ce succès, l’Union des Yachts Français décida d’en faire une rencontre régulière, et en 1899, pour préparer les courses de l’année, on forma une société distincte: l’Hélice Club de France était né.

Lors de l’Exposition Universelle de Paris, en 1900, tous les sports furent à l’honneur, y compris les canots automobiles.

Quarante-neuf disputèrent les courses, plus six venus comme supporter.

Une fois encore, on choisit le plan d’eau du bassin d’Argenteuil, idéal avec sa ligne droite de 6 km. Les bateaux, répartis en quatre séries déterminées par leur taille (de 6,50 m à 15 m), se partagèrent 25 000 F de prix.

Aiglon, un canot de 6,45 m triompha dans sa catégorie en parcourant 12 km en 47 minutes et 17 secondes.

Ce week-end du 23 et 24 juin marqua le déclin des bateaux à vapeur, nettement distancés par les moteurs à explosion.

Dès 1901, on voit apparaître dans les listes de propriétaires et de constructeurs des noms appelés à devenir célèbres, dans l’automobile ou dans d’autres domaines.

Ainsi, le petit canot Suzanne, équipé d’un moteur Panhard de 6 ch effectue un parcours de 24 km en 2 h 12 min 44 sec ; Monsieur Gaston Menier, chocolatier, offre des trophées, tandis que le Fémina de Monsieur Dubonnet, fabricant d’apéritif, tombe en panne après avoir montré des qualités de vitesse étonnantes.

La même année, le sport « auto-nautique », comme on disait à l’époque, fait son entrée au Grand Palais, à l’occasion du Salon de l’auto, et un premier meeting est organisé à Nice. Les catégories de bateaux admis à courir s’élargissent ; en plus des « racers », on voit l’arrivée des canots de bossoir, qui sont tout simplement les annexes des grands yachts, et des canots de promenades, les « cruisers ».

Alors qu’en avril 1902, un grand concours photographique est organisé sur le thème de l’auto-nautisme, on découvre, au Salon de l’auto en décembre de la même année, des canots américains présentés par The Eagle, un canot Mercedes, des Moteurs Panhard, Dion, et les moteurs de l’ingénieur Forest, dont le nom restera attaché au développement du moteur à explosion, inventé par Lenoir, et du moteur marin.

Mai 1903, le Yacht Club de France, organise la première « Exposition de la Navigation de Plaisance » assortie de nombreuses courses disputé à Suresnes.

Prélude à une totale nouveauté, le premier « De Paris à la mer » organisé en six étapes par le journal le Vélo.

Le départ fut donné aux 57 engagés le dimanche 30 août à l’île de la Jatte, à Courbevoie, et à la première écluse de Bougival, le canot Mercedes prit la tête et la garda.

Mantes, Elbeuf, Rouen, Caudebec, Le Havre, Trouville, à chaque banquet de fin d’étape, on célébra sa victoire !

Seul lui échappa le record du mille marin (1 852 m), remporté par le racer anglais Napier, venu tout exprès rejoindre la flotte pour cette épreuve, qu’il courut en 2 min 30 sec 3/5, soit à la colossale vitesse de 44,44 krn/h.

Conquis par sa puissance, Monsieur Deutsch de la Meurthe s’en rendit aussitôt acquéreur pour 25 000 F.

AUTRE COMPETION : AUTOMOBILE RACE FOR THE VANDERBILT CUP (1904, USA)

Il s’agit de la coupe courue à Long Island le 17 octobre 1904 et gagnée par Heath sur Panhard & Levassor.

C’est l’une des premières courses de ce type aux Etats-Unis et le public, peu habitué, envahit la piste dès le passage des voitures, laissant tout juste passer les suivants.

Trois Panhard & Levassor sont engagées et confiées à Teste, Tart et Heath.

Teste abandonne au troisième tour alors qu’il est en tête, suivi par Hart au huitième tour. D’après Bernard Vermeylen les voitures seraient des 100CV dont quatre exemplaires ont été « débités » le 14 septembre à l’agence de New York.

Charly  RAMPAL  (Sur un texte de Noëlle DUCK et des photos des archives du S.B. Monaco) + Philippe Krebs pour New-York