LE POINT DE DEPART

Les grandes instances de l’automobile songent déjà en 1943 à l’après-guerre.

Le sieur Pons tente d’établir un plan qui devait ordonner la production automobile en France, sous l’égide du Comité d’organisation automobile.

Ce fut lui qui conseilla à Panhard de construire une petite voiture, signalant « avec amitié » qu’en « voitures particulières », Panhard ne se verrait affecter un programme et la matière correspondante qu’à l’unique condition de fabriquer et produire une petite voiture.

C’est le C.O.A. encore, par la voix de M. Pons, qui précisera « amicalement » qu’à son sens, ladite voiture pourrait (devrait ?) être la voiture AFG étudiée aux frais de l’Aluminium français, qui avait fait appel à la collaboration de l’ingénieur Grégoire.

Si ce n’est pas de la contrainte amicale, au chapitre du chantage industriel, ça y ressemble drôlement…

Évidemment Panhard accepte, d’ailleurs cela n’est pas si mauvais car, au stade de ses études, son propre projet n’est pas aussi évolué.

Le prototype ALG3 et les études de Grégoire passent donc dans l’escarcelle de la Porte d’Ivry qui commence par étudier tout cela et ça ne traine pas :  le projet avance à grands pas.

De nombreuses dispositions prises sur le prototype ALG sont reprises sur le prototype VP2 qui commence à naître.

Je vous avais raconté dans un autre article comment s’est passée cette mutation entre l’ALG et le proto VP2 : je vous en redonne le lien direct :

Panhard Racing Team: COMMENT L’AFG EST DEVENUE LA DYNA X … (panhard-racing-team.fr)

Comme l’ALG, la VP2 sera en aluminium.

La structure de la caisse, fortement inspirée du prototype de l’ingénieur Grégoire, reprend le principe de poutre-auvent sur lequel vient se fixer l’ensemble moteur-boîte.

Pourtant Panhard dote la VP2 d’un châssis-cadre indépendant, à la fois pour permettre une fabrication plus simple et aussi pour échapper le plus possible aux dispositions du prototype AFG (on ne sait jamais, au cas où Grégoire n’apprécie guère de voir son travail pillé comme ça, à son nez et à sa barbe…).

Lors de la réalisation des premiers prototypes de la VP2, future Dyna Panhard, la fabrication de la carrosserie fut confiée d’abord au carrossier Figoni et Falaschi.

Mais le programme prend énormément de retard.

La collaboration entre le bureau d’études et J.-A. Grégoire s’envenime et tourne au vinaigre.

Ce dernier ne supporte pas l’idée de voir son projet modifié et remis en cause par la marque.

Se sentant dépossédé, et n’ayant jamais cultivé la modestie, l’ingénieur Grégoire entretient de la ran-coeur, freinant par là même l’évolution des prototypes.

De plus, il est un farouche partisan d’une carrosserie à deux portes alors que la direction de Panhard penche pour une version quatre portes.

Il écrit ainsi, le 24 janvier 1944 : « Pour pouvoir répondre à une question, il faut, au préalable, qu’elle soit bien posée.

Or, il subsiste dans le texte déjà délicat de la caisse métallique, des inconnues : celle de la forme avant et deux portes ou quatre portes… »

 « Vos techniciens carrossiers essayent de prévoir les mêmes longerons et les mêmes ailes et passages de roues arrière.

C’est là une difficulté supplémentaire qui entraînerait les études complètes de deux carrosseries, deux portes et quatre portes.

Or, vos moyens d’études, qui sont limités, laissent prévoir que vous devrez déjà réaliser un tour de force pour étudier les emboutis, les membrures et les assemblages d’une seule caisse, qu’elle soit à deux ou à quatre portes. »

Estimant que les économies à  réaliser sur l’outillage serait minime, il conclut : « Je vous conseille d’abandonner complètement dans vos études carrosserie, pour l’instant, la solution quatre portes, et de creuser à fond la solution deux portes. »

Et pour enfoncer le clou, il précise : « J’ai toujours été partisan de la deux-portes pour une voiture aussi petite.

Cette sorte de carrosserie est plus solide, plus légère et plus facile à fabriquer.

Comme il est à craindre que les voitures qui sortiront en série seront plus lourdes que les prototypes, il faut éviter les apports de poids supplémentaires.

Et deux portes de plus, avec le pied milieu, les glaces, etc. seront un apport de poids bien net.

Laissons de côté l’argument que les clients prendront, dès la réouverture du marché, ce qu’on leur donnera.

Ce fait permettrait pourtant un amortissement rapide, si on est prêt à livrer immédiatement cinq ou dix mille voitures.

Et pour être prêt, il faut avoir décidé au plus tôt ce qu’on veut faire !

II vaut mieux être le premier à sortir une voiture dont la forme n’est peut-être pas définitive, à condition que la mécanique soit admirablement au point, que le dernier à livrer une voiture dont on aura longtemps cherché, peut-être sans succès, à améliorer l’aspect. »

Enfin, le 27 avril 1944, alors qu’il est question d’aller à Creil pour discuter avec le directeur de la fonderie Montupet, Grégoire avertit : « Il serait imprudent de lancer ce modèle [le haut d’auvent] avant que la forme de la voiture ne soit complètement et exactement déterminée. »

Le 11 avril 1944, J.-A. Grégoire signifie son intention de limiter immédiatement sa collaboration à un rôle purement consultatif.

« Nous entérinerons ainsi la situation actuelle, dit-il, le rôle directeur et actif qui avait été envisagé n’ayant, en réalité, jamais été appliqué.

Je me bornerai donc, à l’avenir, à vous donner mon avis sur les problèmes que vous jugerez utile de me poser. »

Manifestement Grégoire est déçu par la résistance manifestée par le bureau d’études de l’avenue d’Ivry et il va se reconcentrer sur un autre sujet : voiture six places extra-légère.

LE TEMPS DE LA DECISION

Le temps passe, et les décisions importantes ne sont toujours pas prises.

Charles Perrot, dans une note qu’il adresse le 28 juin 1944 à Paul et Jean Panhard, Louis Delagarde, Jean Fauchère et Louis Bionier, invite clairement la direction à trancher.

Il souhaite qu’on puisse lancer la fabrication des outillages dès le I^ septembre, ce qui permettrait de réaliser une première série de prototypes.

Mais, pour ce faire, il faut avoir déterminé précisément les éléments constituants de la mécanique et de la carrosserie.

Or, on teste toujours deux mécaniques, l’une refroidie par eau, l’autre refroidie par air.

Le choix de la mécanique est fait à l’issue d’une conférence de direction, le 15 juillet suivant.

Le moteur Grégoire. toujours envisagé, est finalement rejeté.

Si l’on en croit Louis Delagarde, Paul Panhard, qui de façon étonnante penche plutôt en faveur du moteur Grégoire, change brusquement d’avis après un voyage avec le prototype, interrompu par la défaillance d’une bielle.

La motivation apparaît d’ailleurs dans le rapport : Le montage Panhard évitant les conséquences de la dilatation est adopté.

LES CARACTERISTIQUES DU MOTEUR « DELAGARDE »

 Les caractéristiques du moteur Panhard – Delagarde, devrait-on dire – sont alors fixées pour l’essentiel : deux cylindres à culasse non démontable, 610 cm’.

Compression de 6,5, 23 ch à 4 600 tr/min, portées à rouleaux, refroidissement par air.

Certaines questions restent à trancher, comme l’alimentation (à ce moment-là, deux carburateurs), le type de culasse (démontable ou non ?) ou le système de commande de la distribution.

On fait remarquer à ce sujet que, pour les portées. le dispositif à aiguilles ou à rouleaux n’a encore jamais été adopté sur une voiture de série.

Pour la boite, la question reste en suspens, mais on constate que la boite Panhard autorise de bien meilleures reprises et une accélération supérieure que la boite Grégoire.

Il faut encore vérifier les conséquences sur la consommation et le prix de revient des deux organes.

Au mois d’août est discutée la question des pneus.

On se dirige vers l’adoption du 135×400, capable de supporter une charge de 500 kg par essieu, et dont Michelin a promis la mise au point rapide.

Pour le tableau de bord, on doit choisir entre la proposition de Jaeger (un cadran unique) ou celle d’O.S. (trois cadrans) qui revient moins cher.

Dans les deux cas, le tableau comporte un totalisateur kilométrique et un compteur journalier, un indicateur de vitesse, une jauge à essence, un ampèremètre, un manomètre à huile et un thermomètre à huile.

Un premier châssis entame ses essais au début du mois de novembre 1944.

Ceux-ci débouchent sur de nouvelles décisions, le 13 décembre, qui fixent définitivement les caractéristiques du moteur, de la boîte et du pont : le moteur 610 cm’ à culasses non démontables est confirmé.

Il comprend la commande des soupapes par barres de torsion, les portées sur aiguilles (les roulements à rouleaux), la distribution par pignons hélicoïdaux larges, dont un en céloron, le graissage par pompe et deux ventilateurs de refroidissement.

L’alimentation est confiée à un carburateur simple (en principe Solex) et le moteur est isolé sur caoutchoucs « Paulstra ».

L’installation électrique est sous 12 volts ;

L’embrayage est du type Comet, monodisque à sec ;

La boîte de vitesses à quatre rapports est celle conçue par Louis Delagarde ; le dispositif de roue libre envisagé d’abord est abandonné et remplacé par un crabotage ;

Le pont est à double démultiplication.

Le rapport rédigé à la suite de cette réunion décisive précise encore que l’ensemble des solutions adoptées augmente le poids du bloc de dix kilos maximum, et que l’on pourrait envisager ultérieurement son remplacement par un petit quatre-cylindres de 800 cm).

Les bases définitives de la future VP2 de série sont maintenant connues.

Il faut naturellement faire encore tourner les moteurs au banc pendant de nombreuses heures, et prendre toutes les mesures nécessaires à l’industrialisation.

LES MAQUETTES POUR FINALISER LA CARROSSERIE

Sur cette armature en bois, la maquette de la VP2 la caisse ne comporte que deux portes et une malle arrière à ouverture externe.

Les carrosseries, par exemple, ne peuvent pas être fabriquées en interne.

Spécialiste en la matière, Chausson est contacté le premier.

Fin janvier, sa réponse est connue : il demande dix mois de délai pour l’exécution de l’outillage.

Compte tenu de la mise au point de la mécanique, que l’on estime pouvoir finaliser vers le mois de septembre, Chausson ne pourrait sortir ses premières pièces que vers le mois de janvier 1946.

Arbel est contacté aussi, et, dans l’ensemble, ses tarifs ne représentent que la moitié de ceux réclames par Chausson.

Ni l’un ni l’autre ne sont finalement choisis, puisque la fabrication de la caisse est en définitive confiée à la société Facel !

Les éléments de carrosseries seront emboutis dans l’usine Facel d’Amboise, puis que toutes ces pièces soient acheminées jusqu’à l’usine de Colombes et y être assemblées pour former des caisses nues.

Seuls les éléments de carrosserie fabriqués hors de chez Facel : les portes et les ailes, dont Panhard se charge en partie avec Nicolle.

Comme on peut le voir, la marque n’a pas choisi la simplicité.

Mais ce choix lui fut impose par un mangue important de locaux et d’infrastructures suffisantes pour assumer la fabrication totale de la voiture.

Les infrastructures de production de Panhard datent de bien avant la guerre, pour la fabrication des Dynamic.

Evidemment, la mise en production de la Dyna X demande une refonte complète des usines, mais aussi du potentiel de fonderie, d’emboutissage et d’assemblage.

Panhard ne peut ni ne veut investir les sommes nécessaires à ce remaniement de fond.

La marque doit donc composer avec ses possibilités et des fournisseurs extérieurs.

LE MONTAGE A LA MAIN

A partir des différents éléments du châssis, le montage du prototype va se faire à la main. Ce proto est destiné aux essais sur route.

Finalisation du châssis avant pose de la caisse.

Prototype terminé : on voit bien qu’il y aura beaucoup de travail à faire avant de la baptiser Dyna X et de l’exposer au salon de Paris en octobre 1946.

LES PREMIERS ESSAIS du VP2

Si le style de la VP2 s’apparente à l’AFG, elle se différentie par ses 4 portes, l’habitacle est sensiblement amélioré.

Ce prototype Panhard possédait encore plusieurs éléments non retenus pour la Dyna de série comme le bas de caisse sans renfort, l’aile arrière laissant les roues découvertes, la pointe arrière allongée, la roue de secours dissimulée derrière une trappe au-dessus du pare-choc arrière, etc…

QUELQUES DOCUMENTS DE COMPTE RENDU DE REUNIONS ANIMEES PAR CHARLES PERROT

NUMEROTATION DES PREMIERS VP2

Charly  RAMPAL  (Documents Panhard de ma docuthèque et ma photothèque, assisté de Bernard Vermeylen et Dominique Pagneux pour les informations complémentaires)