TOUR DE FRANCE HISTORIQUE1992 EN MONOPOLE
Débutée le 22 Avril 1992 sur l ‘esplanade de la Défense, cette légendaire épreuve allait revivre sous une identité nouvelle.
Spécialistes des grandes classiques exhumées, la famille Panhard a répondu présent une fois encore pour que notre marque ne soit pas oubliée dans une épreuve où elle a de nombreuses fois brillée.
C’est toujours à bord de leur célèbre et unique Monopole à portes papillon que Robert et Christian Panhard se sont engagés pour la populaire épreuve de régularité à coté des compétiteurs V.E.C..
Ce classement « régularité » est réservé aux voitures se trouvant dans une configuration très proche de l’origine et ne sont pas soumises à une homologation de la part de la FIA.
Seules la conformité et la sécurité sont contrôlées.
Ils doivent emprunter le parcours de l’épreuve dans son intégralité et sont soumis à des contrôles horaires et contrôles de passage lors des liaisons routières.
Sur les circuits, des séances spécifiques leur sont réserves.
Mais laissons à l’acteur lui-même, Robert Panhard, le soin de nous faire vivre à bord de la Monopole cette superbe épreuve.
« Nous étions 146 équipages au départ sur l’esplanade de l’Arche de la Défense le 22 Avril, dont 2 équipages PANHARD.
Guy HUREL et Jean-Luc MORERE pilote de chasse dans le « civil », sur un DB Super Rallye prêté par Herve CHARBONNEAUX l’un des organisateurs.
Et Christian PANHARD et moi-même sur PANHARD Monopole celle qui participa au TDF en 1957 .
Les différents équipages étaient répartis entre les catégories Régularité et V.E.C.
Le plateau était d’une très grande qualité (présence de 4 FERRARI 250 GTO, de la fameuse MATRA vainqueur en 1970 aux mains de Beltoise et Collaro, BMW M1 etc . . .).
Première étape PARIS/ORLEANS.
Apres une sortie de PARIS très difficile, nous pûmes arriver en Beauce pour arriver à Orléans pratiquement dans le temps imparti et ce malgré une entrée d’Orléans très difficile.
Le célèbre CD à aileron de Pierre Michel Fournier nous attendait sur le parking d’arrivée avec quelques gouttes de pluie et des essuie-glaces qui ne marchaient pas. Ce galop d’essai a permis à chaque équipage de tester sa voiture et le genre d’épreuve qui sur route ouverte impose le respect du code de la route.
Le lendemain cap sur le circuit de Magny-Cours où nous nous retrouvons tous au milieu de la matinée pour des épreuves de régularité par plateaux de 15.
Nous devions après 3 tours d’essai, annoncer au jury un temps de référence et tenter d’être le plus prés du temps lors des tours suivants.
Ce circuit, nouveau à cette époque, a un trace intéressant pour les voitures puissantes; par contre, le comportement de la Monopole, malgré nos efforts, n’était pas très adapte à ce type de circuit, idem d’ailleurs pour les mêmes raisons pour notre concurrent DB qui n’avait pas hésité à faire passer son escadrille de chasse pour filmer le circuit et nous repérer.
L’ambiance de Magny–Cours était bonne enfant et cette atmosphère sympathique d’amateurs partageant une même passion subsistera jusqu’à la promenade des Anglais. Début d’après-midi , route vers le Bourbonnais et arrivée le soir a Vichy où, peu avant, notre voiture bien préparée par Claude Piquet, commence à donner des signes de défaillance concernant l’allumage .
C’est donc sur un cylindre que nous arrivons au Casino de Vichy.
L’indien « mécanicien attitré » d’Hervé Charbonneaux nous promet qu’il regardera la question au lever du jour.
Jacques Pouzet, promoteur de la fameuse MATRA, ancien de DB constate que nos vis platinées sont anormalement usées.
Le lendemain matin, l’indien trafique, fourgonne et nous demande de lui faire un compte-rendu au Mas du Clos ou nous le rejoignons sur notre monocylindre.
Un temps superbe nous y accueille.
Le circuit est idyllique et l’ambiance excellente. Claude Berton et Jérôme Harmel nous y accueillent et n’hésitent pas à lever le capot pour tester le double allumage.
Jean- Philippe Peugeot qui a engage une Talbot – Lotus accepte de faire un essai sur la Monopole avec Claude Berton, pour apprécier la différence.
Les épreuves sur ce magnifique circuit donnent lieu à des empoignades brillantes; un des grands moments de ce TDF .
Nous redescendons sur Clermont -Ferrand cahin, caha , pour demander à Philippe GARDETTE habitue des assistances rallye et concessionnaire FERRARI de nous arranger cela …
Nous quittons Clermont-Ferrand vers 19h, juste sous le temps éliminatoire, direction Nîmes via le Cantal, la Lozère, les gorges du Tarn etc…et là, aux mains de Christian, la Monopole devient une bombe roulante, une vraie Panhard comme on les aime.
Un parcours sans faute nous permet d’arriver à Nîmes à 23h, heureux d’apprendre qu’il y a encore derrière nous le DB qui a connu des problèmes de pompe à essence .
Le lendemain, rendez-vous au pied du Ventoux pour la fameuse course de cote que nous faisons de nouveaux sur un cylindre et c’est péniblement que nous rejoignons l’après-midi le Castelet toujours en monocylindre, mais à 100 km/h quand même !
Le soir à Cannes nous nous demandons comment être présents au col de Brous, le lendemain matin.
L’indien en descendant de son camion atelier nous rassure.
Vous verrez, demain matin je vous arrange cela . . .
Sceptiques, nous nous rendons au grand diner du Palais des Festivals.
Le lendemain, l’indien toujours confiant nous dit : « essayez quand meme ».
Au pied du col de Braus nous sommes toujours dans la course, mais dans la catégorie monocylindre et le col est franchi dans les temps !
Nous nous retrouvons sur la promenade des Anglais, classes bons derniers (75ème), mais classes quand même.
Cette expédition sympathique est une belle illustration de la devise du Prince d’Orange « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendra, ni de réussir pour persévérer ».
Autant de Panhard à l’arrivée qu’au départ; cela constitue déjà un beau succès même si nous n’avons pas égalé celui de Charron qui remporta le 1er TDF en 1899 ou celui du regrette Gignoux en 1952… »
MONOPOLE DIGEST
Malgré mes articles sur L’histoire de Monopole déjà en ligne, mais dans le cadre de cette compétition, je vous fais ici un résumé de ce qu’à été Monopole.
L’élaboration des Monopole est avant tout l’affaire d’une équipe de passionnés avec à leur tète un « gentleman driver » : Jean de Montrémy.
Président de la société Floquet Monopole, spécialisée dans la fabrication de pistons et de segments, il avait déjà avant-guerre participé à de nombreuses compétitions, notamment en compagnie d’André Dubonnet avec qui il était très lié.
En 1950, il décide de construire une voiture de course basée sur une plate-forme de Panhard X 86 de 610 cm’, qu’il fait carrosser en « tank » comme on disait alors.
Avec son beau-frère Jean Hémard, le PDG de la société Pernod, ils remportent l’indice de la performance au Mans en 1950.
Comme l’accord en avait été pris avec la firme de l’avenue d’lvry, la voiture s’appelle Monopole-Panhard si elle gagne et Monopole si elle ne figure pas honorablement à l’arrivée… Publicité oblige !
Pour 1951, la même voiture, équipée d’un moteur dont la cylindrée passe à 614 cm’ renouvelle son exploit au Mans, terminant 25 au classement général et première à l’indice.
Parallèlement, cette même année, Pierre Chancel, Plantivault et Gaillard engagent aussi, sous leurs propres couleurs, une berlinette basée sur la mécanique Panhard, comme le fera également l’équipe DB.
Pour l’écurie Monopole en tout cas, la série victorieuse continue puisqu’en 1952, une nouvelle voiture, réalisée là encore sur une plate-forme X 84 de 610 cm3, remporte l’indice de la performance au Mans, en terminant 14em au général avec au volant Hémard et Dussous, un véritable exploit pour une voiture d’une aussi petite cylindrée.
Le vent tourne cependant pour l’équipe Monopole en 1953, car c’est alors l’écurie dirigée par Pierre Chancel qui a les faveurs de la marque doyenne.
Pierre Chancel a fait réaliser par l’ingénieur Riffard, l’étude d’une carrosserie très aérodynamique qu’il va monter sur une plate-forme Panhard spécialement préparée par l’usine de l’avenue d’lvry.
De sorte que Pierre Chancel deviendra pilote officiel Panhard, ce qui ne I ‘empêchera pas de remporter l’indice au Mans avec un peu plus de 200 km de mieux en distance que la Monopole-Panhard de l’année précédente.
En 1954, ni Monopole, ni Chancel n’accèdent à la plus haute marche du podium au Mans… puisque c’est la D.B. de Bonnet-Bayol qui remporte l’indice, toujours avec mécanique Panhard, évidemment.
1955 ne restera pas dans les annales, tous les dérivés Panhard engagés doivent, soit abandonner, soit terminer dans les profondeurs du classement.
Et puis c’est l’année du terrible accident.
Paul Panhard décide que la marque doyenne ne doit plus s’engager directement en compétition comme elle le faisait au travers des voitures préparées par Pierre Chancel.
Panhard se tourne alors vers l‘écurie Monopole, lui accordant de la sorte le statut d’écurie officielle.
Les frères Chancel rejoignent l’équipe Panhard-Monopole, tandis que l’écurie obtient en propre des locaux à Achères où elle pourra développer ses nouveaux modèles pour 1956, sous la direction de M. Bourderoux.
Sur base d’une plate-forme de Panhard VP2 750 cm3, cette équipe construit une série de berlinettes fermées destinées principalement au Mans.
La solution des portes papillons est presque immédiatement retenue pour ces voitures, car elle apparait comme la plus pratique dans l’optique d’une voiture fermée.
Les résultats de ces gracieuses Panhard-Monopole seront pourtant moins enthousiasmants que ceux de leurs devancières.
L’un de ces élégants « papillons’, piloté par le tandem Hémard-Flahaut sera longtemps détenteur de la première place dans sa catégorie au Tour auto 1956 avant de devoir céder la place à une DB.
L’une d’elles remporta tout de même sa classe à Reims en 1956 avec l’équipage Chancel-Beaulieu tandis que conduite par Hery-Paille, elle abandonnera au Mans.
En 1957, des voitures légèrement différentes viennent épauler les Panhard-Monopole produites l’année précédente.
L’une d’elle, alors immatriculée 1685 BZ 78, participe aux Mille Milles mais aussi au Mans avec Chancel-Flahault (abandon) et au Tour Auto avec Cotton-Leclère.
Vingt-deuxième au « scratch », la 1685 BZ 78″ est la plus petite cylindrée classée.
En 1958, entre les mains de Vinatier et Masson son essieu se brise à quelques kilomètres de l’arrivée à Pau, tandis qu’au Mans, avec Coton et Beaulieu, elle abandonna des la première heure.
En revanche, Chancel et Hemard sauvent la mise aux 12 Heures de Reims en amenant la voiture à une nouvelle victoire de classe.
La petite Monopole participa également aux épreuves sport sur le circuit de Silverstone, Belfast, Nurburgring et bien d’autres, mais dont hélas aucun recensement fiable n’existe a ce jour.
En 1959. Pierre Hémard se tue sur le circuit de Charade, dans le virage de la Cathédrale.
A la suite de cette tragédie. L’écurie Monopole est dissoute et ses voitures disparaissent de la compétition. Comme on le sait, tout n’est pas fini cependant pour Panhard qui s’appuiera ensuite sur DB pour continuer à briller dans les plus grandes épreuves de l’époque, comme je vous les raconte.
Charly RAMPAL (Photos Robert PANHARD)