SALON 1951 : LE JUNIOR EN VEDETTE, MAIS PAS QUE…
Le 38e Salon de l’Automobile de Paris a ouvert ses portes au Grand Palais, le jeudi 4 octobre 1951, les visiteurs ne seront pas déçus car pas moins de huit grandes marques françaises vont y exposer pendant dix jours des créations majeures n’ayant encore lamais été vues au Grand-Palais : dont le Junior de Panhard.
Boosté par les 5 ans de paix retrouvée qui ont permis le redémarrage de l’industrie automobile après des années qui furent assez pauvres en nouveautés françaises, ce n’est pas le cas de celui-ci qui accueille huit voitures importantes montrées pour la première fois sous l’immense verrière du célèbre édifice parisien, véritable sanctuaire annuel de l’automobile.
Les nouveautés susceptibles d’être découvertes à ce 38e Salon de l’Automobile et du Cycle proviennent de constructeurs très différents allant de Bugatti à Rosengart en passant par Delahaye, Ford SAF, Panhard, Renault. Simca et Talbot ; ces trois derniers ont déjà annoncé leurs créations quelques mois plus tôt mais ils les présentent dans ce lieu pour la première fois.
Lorsque s’ouvrent les portes du Grand-Palais, l’ambiance internationale semble un peu moins survoltée qu’à l’époque du précédent salon.
Les Français et leurs voisins européens se réjouissent que la guerre de Corée n’ait pas dégénéré en conflit mondial et que des négociations se soient engagées le 26 juillet 1951 dans l’espoir d’un armistice.
Mais les combats continuent néanmoins avec plus ou moins d’acharnement et il faudra attendre encore deux longues années avant qu’un accord mette fin aux hostilités.
En Europe, l’année 1951 avait commencé par une mauvaise nouvelle le 30 janvier avec l’annonce de la mort à Stuttgart du célèbre Ferdinand Porsche, âgé de soixante-quinze ans. L’écrivain André Gide décéda lui aussi vingt jours plus tard, suivi des acteurs français Jules Berry et Louis Jouvet, disparus respectivement les 23 avril et 16 août ; entre-temps, le maréchal Philippe Pétain s’était éteint à l’île d’Yeu le 23 juillet à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.
Marqués par ces décès en série de personnalités importantes, les mois qui ont précédé le 38ème Salon se terminent par une autre information pessimiste la veille même de l’ouverture des portes du Grand-Palais : l’annonce de l’explosion d’une seconde bombe atomique soviétique, on en verra les conséquences pendant la guerre froide et au 21ème siècle avec la guerre en Ukraine.
Ce n’est donc pas dans une ambiance parfaitement sereine que les visiteurs viennent admirer les nouveautés de l’année, modèles 1952, mais ce Salon va leurs permettre d’oublier temporairement les soucis de l’actualité devant les splendides carrosseries aux chromes étincelants.
Cette année, vingt-trois marques de l’hexagone disposent d’un ou plusieurs emplacements dans la nef principale du Grand-Palais, où se trouvent aussi les stands de onze carrossiers français.
Si l’on ajoute les fabricants qui exposent à la porte de Versailles et ceux n’ayant pas pu ou pas voulu participer au salon, nous parvenons à un total de trente-six constructeurs.
SUR LE STAND PANHARD : DOCUMENTS OFFICIELS PANHARD (Archives perso)
LE JUNIOR EN VEDETTE
Une fois encore, la Maison Panhard affirme son avant-gardisme, en lançant le Junior et crée un véritable événement dans le monde de l’automobile car c’est l’unique voiture de ce type proposée en France à l’époque.
En profitant de cette bonne image et de l’excellente tenue de route de la Dyna, les responsables de Panhard décidèrent au début des années cinquante de créer une petite voiture de sport dont le rapport prix/performances allait s’avérer particulièrement étonnant.
Baptisée fort justement Junior, cette sportive économique intéresse effectivement la jeune génération ou ceux qui veulent le rester.
Je ne reviendrai pas sur la genèse de ce roadster que je vous ai présenté dans toutes ses dimensions à travers le prototype inspirateur que fut le Junior Di Rosa.
Rappelons que peu de temps après, Paul et Jean Panhard décidèrent de reprendre le projet à leur compte.
Au début d’août 1951, ils demandent à Di Rosa de leur préparer deux exemplaires évolués, et ceci dans les plus brefs délais car ils souhaitent les montrer sur leur stand du Salon de Paris 1951 et dans leur magasin des Champs-Elysées.
À cadence accélérée, en sacrifiant les vacances d’été, A. Lemaître et son équipe parviennent à terminer à temps ces deux nouveaux prototypes qui, pour eux, ne constituent toujours qu’une étape vers les modèles définitifs dont les plans sont parvenus en juin des Etats-Unis.
Au Salon d’octobre 1951, les réactions de la clientèle vont en décider autrement.
Le roadster exposé au Grand-Palais —baptisé maintenant Junior — obtient en effet un tel succès que Panhard décide de lancer sa production en série le plus rapidement possible.
Il passe une commande ferme de 500 Junior au carrossier Di Rosa, dont une huitaine à livrer d’urgence pour permettre d’expérimenter les diverses améliorations souhaitées par le constructeur.
Le début de la commercialisation s’effectuera à partir d’avril 1952.
Avant de fabriquer la Junior en série, le carrossier Di Rosa percevra une avance substantielle de Panhard qui lui permettra de s’équiper en outillage et en locaux supplémentaires.
Pour construire le Junior en plus de ses autocars et véhicules industriels, Di Rosa a été contraint de louer à un tarif élevé les anciennes usines Roche de Saint-Denis mais, malgré cela, on constatera très rapidement que le carrossier n’est pas capable de suivre la cadence de production imposée par le succès de le Junior.
Panhard devra transférer les lignes d’assemblage dans son usine d’Orléans, d’abord partiellement puis totalement à partir de l’hiver 1952-1953.
Ce bouleversement des conditions de fabrication ne tardera pas à entraîner de sérieuses frictions entre Panhard et Di Rosa, le premier s’estimant perturbé dans son organisation et ne voulant pas accepter de payer une quelconque indemnisation, le second devant faire face à des difficultés financières si graves qu’elles l’obligeront à fermer ses portes peu de temps après.
L’affaire n’en restera pas là : sur plainte de Mme Di Rosa contre Panhard, ce constructeur sera condamné à verser d’importants dédommagements à la famille Di Rosa ; en revanche, Panhard conservera la propriété, contestée par le carrossier, des droits sur le Junior.
Néanmoins, le Junior poursuivra sa brillante carrière en évoluant très peu au fils des ans.
Les photos au Salon du Junior Di Rosa préparé à la hâte :
Ci-dessous, une présentation externe sur le terre-plein central du Cour-la-Reine qui longe la Seine.
Sous cet angle, on voit bien ici le bord de Seine :
Ici le prototype avec sa toile de capote :
Une autre forme de capote : on est dans le tâtonnement !
Ci-dessous, la photo archi connue du premier Junior avec l’actrice Blanchette Brunoy au concours d’élégance d’Enghien organisé en juin 1952.
Dans cette version initiale, la Junior n’existe qu’en roadster à deux places.
Décoré d’une calandre rappelant celle de la berline Dyna « X ce modèle 1952 est garni par une mascotte de capot très pointue et très dangereuse.
Le pare-brise se complète par deux petites vitres trapézoïdales s’arrondissant jusqu’aux portes ; partiellement escamotable, ce pare-brise en trois parties remplace le monopièce rabattable (trop fragile) vu en octobre 1951.
D’autre part, dans un but d’économie optimale, les joncs qui décoraient les flancs de la carrosserie ont disparu. Egalement pour des questions de prix de revient, le roadster n’a droit pour les jours de mauvais temps qu’à des panneaux de portières en rhodoïd à peine transparents et d’une étanchéité très discutable, tant pour la pluie que pour les courants d’air.
Charly Rampal sur des informations de René BELLU, – Archives authentiques Panhard Racing
Photos : Panhard, L’Automobile et PRT pour celles du Salon